
Essais nucléaires, extraction de pétrole, immenses champs de coton... La terrible répression menée par Pékin contre la minorité ouïghoure est aussi une entreprise de dévastation environnementale, décrit l’auteur de cette tribune. En bref, une exploitation du territoire au profit de la puissance colonisatrice. Une manifestation est prévue à Paris aujourd’hui 2 octobre.
« Briser leur lignée, couper leurs racines, rompre leurs liens, anéantir leurs origines », « Tous les éliminer… les détruire entièrement. » Voilà les termes [1] guidant la politique des autorités chinoises en région ouïghoure [2], une province du nord-ouest de la Chine. Cette région est aussi appelée « Xinjiang » depuis 1884, ce qui signifie « nouveau territoire ». Un nom qui illustre bien le rapport colonial qui la lie à la Chine.
Depuis au moins 2016, on y constate des violences politiques extrêmes et protéiformes. Un à trois millions de Ouïghour·e·s sont interné·e·s dans des camps de concentration [3] pour une multitude de motifs dérisoires, dont le port de la barbe ou du foulard, des contacts avec des personnes à l’étranger, l’activation de certaines applications sur son téléphone, etc [4]. Des témoignages de rescapé·e·s font état de tortures, d’agressions sexuelles et de viols dans les camps. Les Ouïghour·e·s sont également soumis·e·s au travail forcé au profit d’entreprises chinoises et de multinationales occidentales [5], et font face à la destruction de leur héritage culturel, religieux (plus de la moitié des mosquées et des cimetières sacrés ouïghours ont été rasés ou endommagés depuis 2017), et architectural, comme l’illustre la destruction de la « vieille ville » de Kashgar dès 2009 (...)
Deux cibles sont privilégiées par la politique génocidaire chinoise [7] : les enfants, transférés dans des orphelinats et pensionnats chinois où ils sont coupés de leur environnement familial et culturel ; les femmes, massivement stérilisées de force, au point que le taux de natalité a baissé de 50 % dans la région entre 2017 et 2019 (...)
Contre les Ouïghour·e·s et autres minorités turciques (Kazakhs, Kirghizs, Ouzbeks, Tatars), l’État chinois orchestre un génocide lent. Ces crimes sont désormais largement documentés grâce aux images satellites des camps, aux témoignages, aux fuites de documents chinois, aux chercheuses et chercheurs spécialisé·e·s et à la presse. Leur dénonciation relève tout autant du féminisme que de l’anticolonialisme, de l’anticapitalisme et de l’antiracisme.
Pétrole, de gaz, de charbon, d’uranium....aspirés pour l’industrie chinoise
Jusqu’ici, la question environnementale est restée dans un angle mort. Elle est pourtant profondément reliée aux autres enjeux : les violations des droits humains d’une population s’accompagnent bien souvent de processus de destruction et d’exploitation de leur territoire – et donc de l’environnement.
L’exploitation du territoire ouïghour est le fruit d’une dynamique coloniale que l’on observait déjà au début de la colonisation chinoise, en 1949. (...)
La plupart des ressources produites sont exportées et ne bénéficient pas aux populations locales
Les atteintes environnementales sont telles que l’on se demande si elles ne relèvent pas du crime d’écocide. (...)
Défendre les droits humains sans se préoccuper de l’environnement, ou au contraire, vouloir prévenir les dommages causés à l’environnement en omettant la question des droits humains n’a pas de sens. Seule une lutte collective peut nous permettre de répondre à des dynamiques racistes, sexistes, coloniales, capitalistes, et de domination et d’exploitation de la nature toutes imbriquées.
En France, l’Institut ouïghour d’Europe organise, avec d’autres organisations européennes de la diaspora ouïghoure, une Marche contre le génocide ouïghour ce samedi 2 octobre à Paris. Elle visera à accélérer, en France et en Europe, la reconnaissance politique et la condamnation des crimes commis à l’encontre des Ouïghour·e·s et des autres minorités turciques. Nous vous y espérons nombreuses et nombreux.
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Raphaël Glucksmann appelle Emmanuel Macron à "porter la cause des Ouïghours à Bruxelles"
L’essayiste et député européen Raphaël Glucksmann, qui participe, samedi, à une manifestation en soutien aux Ouïghours, à Paris, place de la Bastille, a appelé, sur France 24, le président de la République à "défendre la cause des Ouïghours" auprès de ses partenaires européens.
L’institut ouïghour d’Europe organise, samedi 2 octobre, à Paris, une grande manifestation "contre le génocide" des Ouïghours par la Chine au Xinjiang. Parmi les soutiens de cette minorité, majoritairement musulmane, persécutée par Pékin, le député européen Raphaël Glucksmann, a appelé, sur l’antenne de France 24, l’Union européenne à interdire sur son sol les "produits issus de l’esclavage des Ouïghours" et à sanctionner les responsables de la "déportation de tout un peuple". (...)
Cette marche pour les Ouïghours, c’est le visage de la France qui n’a pas renoncé aux principes de 1789 et à l’universalité des droits humains. C’est beau. Et ce n’est qu’un début. pic.twitter.com/m64999nsCk
— Raphael Glucksmann (@rglucks1) October 2, 2021