Bandeau
mcInform@ctions
Travail de fourmi, effet papillon...
Descriptif du site
CADTM
La Banque mondiale sur le banc des accusés
Article mis en ligne le 19 janvier 2015
dernière modification le 17 janvier 2015

Au début du mois de décembre passé, le CADTM invitait plusieurs organisations à rencontrer Najib Akesbi, enseignant et chercheur marocain, actuellement en procès contre la Banque mondiale. L’affaire est digne d’attention étant donné que c’est la première fois que la Banque mondiale accepte une assignation à comparaîitre… pour finalement invoquer son immunité. Ce procès, même s’il n’aboutit pas, permet néanmoins de soulever un certain nombre de questions quant à la crédibilité et la redevabilité de l’institution financière internationale.

Le procès porte sur une recherche baptisée Ruralstruc menée par la Banque mondiale sur les implications structurelles de la libéralisation sur le monde rural. A la fin 2005, Najib Akesbi est contacté par un chercheur du CIRAD français, mis à la disposition de la Banque mondiale pour coordonner le programme de recherche en question. Il accepte de s’y engager avec ses collègues, Mohamed Mahdi et Driss Benatya, parce qu’elle rejoint le champ d’investigation qui les occupent depuis de nombreuses années. L’Institut agronomique et vétérinaire Hassan II de Rabat où travaillent les chercheurs, accepte de mener la première phase de recherche qui élabore le cadre dans lequel seront analysées les données de la seconde phase. Les résultats de cette première phase sont intéressants et donnent même lieu à une publication en 2008. Pour la deuxième phase, la Banque mondiale fait appel à un bureau d’étude marocain pour la phase opérationnelle de récolte de terrain et d’analyse des données. Le bureau d’études conclut quant à lui un contrat de consultant avec les chercheurs qui avaient travaillé sur la première phase. Les chercheurs relèvent rapidement que les données récoltées ne sont pas fiables, en raison de nombreuses carences au niveau de la collecte des données et de leur traitement. Ils demandent de pouvoir avoir accès à la base de données afin de redresser ce qu’il était possible de redresser, mais on le leur refuse. Suite à la répétition de leur demande, leur contrat avec le bureau d’étude est de surcroît résilié. Le plus grave encore est que parallèlement, les bailleurs de la Banque mondiale ordonnent au bureau d’études de modifier arbitrairement des données (donc de les falsifier) et de les intégrer en conséquence dans le rapport final, à l’insu et contre la volonté des chercheurs marocains.

Face à de tels actes gravissimes, ces derniers vont alors interpeller les instances « de médiation et d’éthique » de la Banque mondiale, sans résultats. Ils interpellent ensuite les autres partenaires du projet dont le CIRAD, l’AFD, le FIDA, sans aucun résultat non plus. Ils se tournent enfin vers les responsables politiques marocains (gouvernement, parlement), mais n’en obtiennent aucune réponse non plus. C’est donc en dernier recours que Najib Akesbi et ses collègues se tournent vers l’option d’une action en justice. Leur plainte pour « faux, usage de faux et usurpation de biens et de noms » porte sur le fait que la Banque mondiale a publié une étude dont ils ont été « usurpés » et dont certains résultats sont falsifiés. |1|

Cette affaire permet de soulever une série de questions sur les pratiques et politiques de la Banque mondiale, notamment dans le domaine de l’agriculture.

A qui la Banque mondiale rend-elle des comptes ? (...)

Afin d’éviter un procès d’intention, Najib Akesbi et ses collègues estiment que ce n’est pas à eux mais à ceux qui ont falsifié les données de leur rapport à expliquer pourquoi ils ont commis un acte aussi grave. Mais c’est bien pour mettre à jour ce genre de pratiques de l’institution qu’ils ont poussé leurs démarches jusqu’au procès. La Banque mondiale a en effet une influence considérable sur les politiques, notamment agricoles, menées par les gouvernements du Sud. Et la Banque mondiale promeut essentiellement la libéralisation, l’ouverture des marchés, bref le tout au marché et au business. Une position qui va souvent à l’encontre des droits économiques et sociaux des populations des pays qui doivent en suivre les recommandations. (...)