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Academia. Hypothèses
LRPR. Le retour du délit d’entrave dans les universités et autres immodices législatifs
Article mis en ligne le 1er février 2021

Et c’est reparti pour un tour. Ce lundi 1er février à partir de 16h, l’Assemblée nationale commence la discussion en hémicycle du projet de loi confortant le respect des principes républicains (LRPR), tel qu’il a été amendé après plusieurs semaines de débats en commission.

Academia a déjà lancé l’alerte sur le fait qu’il existe un vrai risque pour que l’enseignement supérieur et la recherche soient directement intégrés dans ce texte, qui est un grand fourre-tout liberticide, articulé autour de l’idée d’une lutte finale, qui serait actuellement en cours, entre la République, d’un côté, et « l’idéologie séparatiste », de l’autre côté.

Rappelons que quelques universitaires poussent fort en ce sens, en particulier du côté de Vigilance Universités et de l’ « Observatoire du décolonialisme et des idéologies identitaires » tout récemment créé en partenariat avec Le Point. Pour la droite et l’extrême droite parlementaires, ces collectifs possédant leur rond de serviette au Point sont du pain-béni : ils seraient la preuve d’un appel à l’aide, qui proviendrait des tréfonds d’une communauté universitaire terrorisée par les ayatollahs américanisés du genre, de la race, de l’islamisme, du décolonialisme, de l’intersectionnalité (nous ne caricaturons pas : nous en sommes à ce niveau de discours, désormais…), pour que le législateur intervienne dans ces territoires perdus de la République que seraient devenues les universités.

C’est pourquoi de nombreux amendements concernant l’ESR avaient été déposés il y a trois semaines par les Républicains. Jusqu’ici, toutes ces tentatives ont lamentablement échoué : clairement, la majorité gouvernementale ne souhaite pas rouvrir un front du côté des universités, même si, dans le même temps, certains députés de premier plan de la République en marche donnent crédit au discours – forgé, rappelons-le, dans les rangs de l’extrême droite – selon lequel il existerait dans les universités une

« montée inquiétante de l’idéologie portant le racialisme, portant le séparatisme racial, portant l’indigénisme, le décolonialisme » (Eric Poulliat, rapporteur de la loi).

Il était évidemment naïf de croire qu’on s’en tiendrait là, tout comme il est naïf de penser qu’on viendra à bout de ces idées en les ignorant, comme semblent le croire un certain nombre de chefs d’établissements d’enseignement supérieur. De façon peu surprenante, une nouvelle vague d’amendements concernant l’ESR a été déposée ces tout derniers jours. (...)

Le nouveau délit d’entrave

On remarquera d’abord que le « délit d’entrave » de la loi de programmation de la recherche tente de faire son grand retour, après sa censure par le Conseil constitutionnel le 21 décembre dernier1, ce qui était à craindre, puisque le Conseil constitutionnel avait fait le choix de ne pas le censurer sur le fond, mais pour de simples raisons de procédure parlementaire. (...)

C’est exactement ce contre quoi la communauté universitaire s’était élevée pendant les débats sur la LPR : une grande pénalisation de l’enseignement supérieur à partir d’une infraction largement indéfinie et permettant l’intervention des forces de police à l’intérieur des campus sans autorisation des présidences d’université, et ce, au nom, nous dit l’exposé sommaire de l’amendement, de « la libre expression et l’indépendance des enseignants-chercheurs ». (...)

L’interdiction du voile à l’université

Cinq amendements des Républicains (les n° 20, 203, 878, 1152 et 1613) et un du Rassemblement national (le n° 1645) concernent le port du voile à l’université, en dépit du net rejet des précédentes tentatives de la mi-janvier. (...)

c’est, d’abord, ouvrir grand la porte à la restriction générale des convictions dans l’espace public ; c’est, ensuite, restreindre de manière considérable le droit d’accès à l’enseignement supérieur ; c’est, enfin, porter une atteinte forte aux libertés académiques (...)

on retrouve par ailleurs toutes les mesures dont l’introduction avait déjà été tentée en commission par les Républicains (...)