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France Culture
L’ombre du général Massu menace-t-elle toujours ceux qui travaillent sur la guerre d’Algérie ?
Article mis en ligne le 3 octobre 2020

Entre 1954 et 1962, des milliers d’Algériens ont disparu, torturés et assassinés dans le cadre de la riposte militaire au soulèvement pour l’indépendance de l’Algérie française.A la veuve de Maurice Audin, Emmanuel Macron avait promis un large accès aux archives de la guerre d’Algérie. En 2018. Un an plus tard, un vigoureux tour de vis venait au contraire verrouiller la consultation de milliers d’archives classées "secret Défense". Le Conseil d’Etat vient d’être saisi. (...)

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Jusqu’où le secret défense peut-il empêcher de connaître précisément ce qui s’est passé dans l’histoire de France il y a plus de soixante-dix ans - et notamment pendant la Guerre d’Algérie ? Depuis près d’un an, l’accès à de nombreuses archives tend à se refermer à la faveur de procédures toujours plus scrupuleuses… ou d’intentions plus obscures, dénonce un collectif de chercheurs et d’archivistes qui viennent de déposer une requête devant le Conseil d’Etat, le 23 septembre 2020. Leur démarche, qui associe des historiens, le collectif Maurice Audin, et plusieurs associations d’archivistes, témoigne d’un bras de fer qui ne se relâche pas. Et même, d’un pourrissement qui court depuis déjà plusieurs mois. (...)

Et, en filigrane, le spectre d’une institution militaire qui se crisperait sur son passé ? Début 2020, le secrétariat général de la défense et de la sécurité nationale, qui relève de Matignon, a en effet décidé de faire appliquer de façon plus anguleuse que jamais un texte interne, au cœur de toute la bataille. (...)

c’est finalement un problème éthique que pointent tous ceux qui se sont rassemblés derrière le recours introduit auprès du Conseil d’Etat : comment peut-on travailler sereinement, et en toute liberté académique, à l’histoire d’un épisode historique dès lors que l’institution, partie prenante dans l’événement, peut bloquer la connaissance qu’on en a ? (...)

Les Nuits de France Culture

Pierre Vidal-Naquet : "Dans la guerre d’Algérie la torture n’était pas un accident, il s’agissait d’un système dans lequel l’état tout entier s’était trouvé engagé"

(...) l’histoire de la guerre d’Algérie et de ses résidus est déjà tissée de silences tellement puissants, et tellement verrouillés eux-mêmes déjà, que la parole fut longtemps trop douloureuse, trop bancale, trop périlleuse en somme. Y compris du côté des appelés, qui sont finalement peu nombreux à avoir témoigné, depuis la séquence qui les a projetés, à vingt ans tout juste, au cœur de la machine de guerre coloniale. 
Le livre que vient de publier l’historienne Raphaëlle Branche aux éditions de La Découverte ce mois de septembre 2020, "Papa, qu’as-tu fait en Algérie ?" est édifiant à cet endroit, tant il permet de toucher du doigt à quel point les silences, les empêchements, quelques conflits de loyauté et une bonne dose de sidération ont cristallisé ensemble, pour finalement empêcher un récit de se déplier.
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Le premier semestre de l’année 2020 a été un temps de concertation, et de rassemblement, pour l’Association des archivistes français (AAF), l’Association des historiens contemporanéistes de l’enseignement supérieur et de la recherche (AHCESR) et l’Association Josette et Maurice Audin, qui ont dépassé 15 000 signatures sur une pétition toujours en ligne. Ensemble, et accompagnées d’un collectif de personnalités du monde des archives, de l’histoire et du droit, ils ont écrit au premier ministre au mois de juin 2020 pour réclamer l’abrogation de l’article 63 du texte, à la source du blocage. Aucune réponse de Matignon depuis lors. Cette requête déposée devant le Conseil d’Etat est la troisième étape.