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Appel des Appels
« L’objectivité illusoire et fallacieuse des chiffres », par Roland Gori
Article mis en ligne le 17 janvier 2012
dernière modification le 12 janvier 2012

Aujourd’hui, les enseignants manifestent contre le nouveau mode d’évaluation qu’on tente de leur imposer. Hier, c’était les chercheurs, la police, l’hôpital... Grossièrement, on pourrait dire que des enfants de maternelles aux Etats, tout est maintenant évalué. Mais qu’est-ce que l’évaluation : une science, un outil ?

(...) En principe, c’est un dispositif permettant de donner une idée d’un service rendu ou d’une utilité sociale. On a toujours évalué : ce qui est bon ou pas, efficace ou pas. Aujourd’hui, nous sommes face à ce que j’appelle la néo évaluation, un autre dispositif qui est apparu en France dans les années 1980-1990, après s’être développé dans les pays anglo-saxons. Un dispositif qui évalue tout et n’importe quoi pour déterminer des classements. Les critères sont plus ou moins adaptés ou pertinents, car cette néo évaluation passe par un découpage tayloriste des activités qui se concentre sur les aspects techniques plus aisés à mesurer. Pour exemple, le classement des hôpitaux face aux maladies nosocomiales prend notamment pour critère le nombre de désinfectants consommés, peu importe qu’ils aient été utilisés, subtilisés par le personnel ou jetés à la poubelle. L’important est que cette néo évaluation tente d’imposer une nouvelle matrice par laquelle on pense le monde, son rapport à soi et au monde. Elle met en place un calibrage pour que les choses ne passent que par là. Le reste n’existerait pas. C’est un cheval de Troie pour faire entrer la logique de marché dans des secteurs qui n’avaient pas à penser leurs actes dans ces formes-là. L’éducation en est un très bon exemple. Si je ne suis pas contre l’évaluation, je ne peux que m’insurger contre cette néo évaluation qui est in fine, une nouvelle manière de donner des ordres. (...)

Cette objectivité illusoire et fallacieuse des chiffres permet de contraindre les individus, les populations, voire les Etats, en les faisant consentir librement à leur soumission sociale. On touche ici l’essentiel, la néo évaluation est une manière de donner des ordres sans en avoir l’air. C’est grave car avec les agences de notation, on a assisté à la mise sous tutelle des Etats par le marché. C’est le triomphe du capitalisme financier qui a installé la technocratie à la place de la démocratie, les experts contre le citoyen. (...)

dès que l’on entre dans une rationalité comptable, on est foutu. La seule chose que l’on puisse encore faire est d’augmenter un peu le volume du matelas protecteur des blessés de la vie. Pas changer la vie. Il faut donc réinterroger la notion de « valeur » pour combattre efficacement l’évaluation. Il y a là un enjeu de civilisation qui, je l’espère, pèsera dans les prochaines campagnes électorales.
(...)

Tout ceci a en effet pu prospérer sur l’abandon de l’éducation populaire, d’une idée de la culture qui nourrissait l’émancipation sociale. Prohibition du rêve, discrédit des valeurs humanistes, montée en puissance d’une société normée… Mais l’important est de montrer que tout cela ne marche pas. Que le fétichisme des chiffres et la culture du résultat ne sont une idée ni raisonnable ni rentable. Elle ne permet pas de gain économique, seulement des gains de profit, pour une minorité et à court terme.
(...)

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