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L’inscription de la protection de la biodiversité dans la constitution est un nouveau coup de bluff du gouvernement
Corinne Lepage
Article mis en ligne le 4 août 2018
dernière modification le 3 août 2018

Cette modification voulue par le ministre la transition écologique a-t-elle réellement la moindre portée juridique ?

Les envolées lyriques de la Garde des Sceaux saluant un outil politique et un outil juridique puissant ou de Richard Ferrand parlant d’une "avancée politique et symbolique majeure" dissimulent mal les interrogations quant à la portée juridique de cette insertion.

Il n’y a aucun doute sur le fait qu’il s’agit bien avant tout d’une opération de communication, traduite par la référence à l’avancée politique. Satisfaction est donnée à Nicolas Hulot sur un sujet qui serait majeur si sa portée juridique était réelle. Ainsi, dans le bilan des arbitrages perdus et gagnés, la modification de la Constitution sera-t-elle présentée comme une victoire essentielle permettant dans la foulée de justifier la perte d’arbitrages sur le nucléaire (probable), la montagne d’or, les forages pétroliers, les nouvelles autoroutes... se plaçant dans la continuité de Jacques Chirac et de la charte de l’environnement, le Président de la République et son ministre de l’écologie pourront-ils ainsi apparaître comme ayant attaché leur nom à la modification de la Constitution en faveur de l’environnement.(...)

Le verbe retenu est celui d’agir. Ce faisant, il est infiniment plus faible que le mot "assure" utilisé pour caractériser l’égalité de tous les citoyens devant la loi. Cela signifie donc que sur le plan symbolique comme sur le plan juridique, ces objectifs ont une valeur moindre que celle de l’égalité des droits. On peut discuter du bien-fondé de cette différenciation ; on ne peut pas discuter de son existence. Et, l’intervention de très mauvaise foi de Madame Belloubet prétendant que pour le conseil constitutionnel l’un et l’autre se valent se retourne contre elle car si c’était le cas pourquoi ne pas avoir choisi le mot assure plutôt que le mot agit. Le mot agit n’implique même pas une obligation de moyens. (...)

En réalité, ce terme très flou n’engage à rien. C’est un peu comme si le législateur écrivait qu’il faut agir pour le bien et contre le mal...

De plus, cette rédaction peut en réalité se révéler très contre-productive car elle est très en deçà de la charte de l’environnement. Certes, la charte n’est qu’adossée à la Constitution. Mais, le conseil constitutionnel en a fait une obligation pour le législateur ce qui fait que la valeur constitutionnelle de la charte est acquise. Or, si la charte ne fait effectivement pas mention du climat, elle est beaucoup plus ambitieuse que le projet de loi constitutionnelle. Elle rappelle tout d’abord que la préservation de l’environnement doit être recherchée au même titre que les autres intérêts fondamentaux de la Nation. Or, comme on vient de le rappeler, l’utilisation du verbe agir et non du verbe assure met cet objectif en-deçà de l’objectif d’égalité. De plus, l’article 2 de la charte se réfère à l’amélioration de l’environnement alors que le projet constitutionnel ne vise que sa préservation. D’autre part, la diversité biologique est visée par la charte qui rappelle que l’avenir et l’existence même de l’humanité sont indissociables de son milieu naturel. Dès lors, en se contentant d’affirmer que la République agit pour la biodiversité sans aucune référence à l’exploitation excessive des ressources et au long terme, l’article premier est plus faible que la charte de l’environnement.

Enfin, l’affirmation selon laquelle la République agit contre le changement climatique n’apporte strictement rien au droit positif dans la mesure où les conventions signées par la France l’obligent déjà et s’imposent en vertu de l’article 55 de la Constitution au législateur.(...)

l’État ne sera pas plus contraint demain qu’hier à abandonner les actions contraires à l’intérêt de l’environnement et de la biodiversité comme le maintien de l’usage des pesticides, la construction de nouvelles routes, le refus de toute mesure contraignante sur le diesel, l’autorisation de nouveaux forages pétroliers, les milliards de subventions données aux hydrocarbures etc... (...)