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le Monde Diplomatique
L’impossible arrive
Article mis en ligne le 24 février 2011
dernière modification le 22 février 2011

Les responsables politiques aiment invoquer la « complexité » du monde pour expliquer qu’il serait fou de vouloir le transformer. Mais, dans certaines circonstances, tout redevient très simple. Quand, par exemple, après le 11 septembre, l’ex-président George W. Bush enjoignit à chacun de choisir entre « nous et les terroristes ». A Tunis, ce fut plutôt entre un dictateur ami et « un régime du type taliban au nord de l’Afrique (1) ». Ce genre d’alternative conforte les protagonistes : le dictateur se proclame seul rempart contre les islamistes ; les islamistes, seuls ennemis du dictateur.

Mais le ballet se dérègle quand un mouvement social ou démocratique fait surgir des acteurs qu’écartait une chorégraphie verrouillée pour l’éternité. (...)

Les peuples arabes ne font pas la révolution tous les jours, mais ils la font vite. Moins d’un mois s’est en effet écoulé entre l’immolation de Mohammed Bouazizi, les cahiers de doléances des bacheliers au chômage, la prise des palais de Carthage de la famille Trabelsi, la libération des détenus embastillés, et les ruraux venant à Tunis réclamer l’abolition des privilèges.(...)

Sans renvoyer forcément à la Révolution française, le cycle historique que vit la Tunisie semble familier. Un mouvement spontané s’étend, il rassemble des couches sociales plus diverses ; l’absolutisme chancelle. Très vite, il faut choisir : renoncer aux enchères et collecter son gain, ou doubler la mise. A cet instant, une fraction de la société (la bourgeoisie libérale) s’active pour que le fleuve regagne son lit ; une autre (ruraux, employés sans avenir, ouvriers sans emploi, étudiants déclassés) parie que la marée protestataire va balayer davantage qu’une autocratie vieillissante et un clan accapareur. Au demeurant, ces couches populaires, singulièrement les jeunes, n’entendent pas avoir risqué leur vie pour que d’autres, moins téméraires mais mieux introduits, perpétuent le même système social, nettoyé de ses verrues policières et mafieuses.(...)

le soulèvement tunisien résonne au-delà du monde arabe. Bien des détonateurs de l’explosion se retrouvent ailleurs : une croissance inégalitaire, un chômage élevé, des manifestations réprimées par des appareils policiers obèses, une jeunesse instruite et sans débouchés, des bourgeoisies parasites qui vivent en touristes dans leurs propres pays. Les Tunisiens n’auront pas raison de tous ces maux à la fois, mais ils ont soulevé le joug de la fatalité. « Il n’y a pas d’alternative », leur avait-on seriné. Ils nous ont répondu que, « parfois, l’impossible arrive ».(...)

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