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Mémoire des luttes
L’heure de la démondialisation est venue
par Bernard Cassen
Article mis en ligne le 30 août 2011
dernière modification le 26 août 2011

Face à un phénomène nouveau, les mots se bousculent pour le désigner jusqu’à ce que l’un d’entre eux finisse par s’imposer. C’est ce qui est arrivé, en français, avec le terme « altermondialisme ». Il est entré dans le champ politique en 2001-2002. Il désigne la nébuleuse mondiale d’organisations et de réseaux qui se sont reconnus peu ou prou dans le slogan des Forums sociaux mondiaux, « Un autre monde est possible », repris de l’association Attac (créée en juin 1998) qui l’avait elle-même emprunté au titre d’un article d’Ignacio Ramonet dans Le Monde diplomatique de mai 1998. Il est intimement lié aux moments de haute visibilité médiatique qu’ont été les Forums, depuis celui de Porto Alegre de 2001, et les grandes manifestations contre l’OMC, le FMI, la Banque mondiale, etc., depuis Seattle en décembre 1999.

« Altermondialisme » a succédé à « anti-mondialisme », concrétisant le passage d’une posture de simple refus de la mondialisation libérale à la mise en avant de politiques alternatives. Une façon de démentir le fameux TINA ( There is no alternative) de Margaret Thatcher.

En janvier 2008, la revue Utopie critique et Mémoire des luttes ont proposé le concept de «  post-altermondialisme » [2] pour désigner les articulations possibles entre mouvements sociaux, partis et gouvernements progressistes sur des objectifs précis, comme la lutte contre le changement climatique. Le Sommet de Cochabamba, convoqué par le président bolivien Evo Morales en 2010, en a constitué un bon exemple. Le post-altermondialisme ne s’oppose pas à l’altermondialisme : il en est seulement un des prolongements possibles.
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Et voilà qu’un nouveau concept de la même lignée vient de faire irruption dans le lexique politique français : celui de « démondialisation ». (...)

Les mots aussi doivent attendre leur heure… Et celle de la démondialisation semble venue…

Si l’on en doutait, il suffit de voir la virulence des réactions que ce concept a suscitées dans des secteurs que l’on attendait (les libéraux de toute obédience), mais aussi dans d’autres que l’on n’attendait pas (certains altermondialistes d’Attac). La raison est la même dans les deux cas : dans la mesure où Arnaud Montebourg en a fait l’un des mots d’ordre de sa campagne des « primaires » du Parti socialiste en vue de la désignation de son candidat à l’Elysée, le thème de la démondialisation cesse d’être confiné aux débats au sein de la gauche critique pour s’installer dans le panorama électoral national et acquérir ainsi une légitimité et une « respectabilité » politiques dépassant le cercle des convaincus. (...)

La démondialisation, elle, est une orientation stratégique visant, par l’action aussi bien politique (élections, institutions et gouvernements) que citoyenne (luttes des mouvements sociaux notamment), à reprendre concrètement à la sphère économique et financière les énormes pouvoirs que l’instance politique lui a délibérément abandonnés, et qui sont à la source de la crise systémique actuelle du capitalisme. Sans cette orientation, pratiquement aucune des propositions altermondialistes n’a la moindre chance d’aboutir. (...)

L’objectif de la démondialisation est simple à formuler, mais autrement difficile à atteindre : tendre à ce que le périmètre de la prise de décision démocratique coïncide le plus possible avec celui de la capacité de régulation des flux économiques et financiers. Ce qui pose la question du statut de l’espace national.
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Les trois moteurs de la mondialisation libérale – également promus par les traités européens au statut de « libertés fondamentales » - sont la liberté de circulation des capitaux, la liberté des investissements et la le libre-échange des biens et des marchandises. Et cela non seulement au sein de l’UE, mais aussi entre l’UE et le reste du monde. Ce sont donc ces trois moteurs qu’il faut brider et soumettre au contrôle démocratique.
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Le néolibéralisme a défini son terrain d’intervention : c’est la planète tout entière, sans frontières d’aucune sorte. La question est de savoir si, pour le combattre, il convient de se placer sur ce même terrain ou s’il faut en choisir d’autres et, au lieu d’une guerre de tranchées au niveau mondial, mener une guerre de mouvement, voire une guérilla aux échelons inférieurs. Tout dépend du rapport de forces. (...)

Le néolibéralisme a défini son terrain d’intervention : c’est la planète tout entière, sans frontières d’aucune sorte. La question est de savoir si, pour le combattre, il convient de se placer sur ce même terrain ou s’il faut en choisir d’autres et, au lieu d’une guerre de tranchées au niveau mondial, mener une guerre de mouvement, voire une guérilla aux échelons inférieurs. Tout dépend du rapport de forces.
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l’expérience nous enseigne que des luttes sociales et politiques dans un pays donné peuvent avoir un effet de « contagion » dans d’autres, et ainsi se régionaliser et s’internationaliser. C’est ce que montrent les soulèvements arabes partis de la situation en Tunisie, et les manifestations de masse contre les inégalités en Israël qui s’inspirent directement de l’expérience des Indignés de la Puerta del Sol, eux-mêmes – et la boucle est bouclée – réplique des occupations de places publiques à Tunis et au Caire…

Le « national » n’est donc en aucune manière un substitut de l’ « international » ou de l’ « européen ». Loin de constituer un « repli », il en est au contraire la condition préalable dans une stratégie du faible au fort.
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La démondialisation n’est nullement un concept figé, mais dynamique, pouvant se traduire par une série de mesures politiques pratiques (...)

Son « carburant » est l’exigence démocratique visant à récupérer la souveraineté populaire dans le périmètre où elle peut s’exercer réellement pour réguler les flux économiques et financiers.
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Dans la mesure où les décisions européennes surplombent et encadrent toutes les autres, et que 75 % des textes qui nous régissent ne sont que des transpositions d’actes législatifs décidés par les instances de l’Union, la question européenne se situe en première ligne de toute démarche de démondialisation.

Dans la perspective des élections présidentielle et législatives, le citoyen doit savoir quelles marges d’action tel parti ou tel candidat voudront bien se donner pour mettre en œuvre un véritable programme de transformation sociale, donc incompatible avec le traité de Lisbonne.
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Tout ce qui fait de l’UE un agent actif de la mondialisation libérale devrait être mis sur la table : liberté de circulation des capitaux ; libre-échange ; appartenance à la zone euro, plans de « sauvetage » ; pouvoirs de la Commission et de la Cour de justice de Luxembourg ; statut de la Banque centrale européenne ; dumping social, fiscal et écologique ; primauté de la concurrence, etc. Pour aller, vers une sorte de « Grenelle » (version 1968) au niveau européen.(...) Wikio