
Ce mercredi 14 avril se tient à Bordeaux la commémoration du 90e anniversaire de la Seconde République espagnole (1931-1939). A cette occasion, Rue89 Bordeaux a rencontré quatre descendants de républicains espagnols réfugiés dans le Sud-Ouest. Ils ont accepté de nous transmettre un épisode de leur mémoire.
Une délégation se réunira devant le Mémorial de la Base sous-marine de Bordeaux à 15h30.
En effet, la construction de cet édifice de l’Allemagne nazie par des travailleurs espagnols forcés est l’un des épisodes de la grande exode républicaine dans le sud-ouest de la France.
Passés par les camps de concentration et le travail forcé à leur arrivée sur le territoire, après leur défaite dans la guerre civile espagnole (1936-1939), nombre d’entre eux décideront de s’engager dans la Résistance française et la libération, espérant mettre à mal la dictature franquiste.
Laurita Garralaga-Lataste :
« On disait à ma mère de ne pas me parler en espagnol » (...)
« J’ai vécu la retirada (l’exode) dans le ventre de ma mère, enceinte de sept mois. Elle espérait que je n’arrive pas ni sur le chemin, ni à la frontière. J’ai exaucé son vœu puisque je suis née deux jours après leur arrivée sur Bordeaux, le 7 février 1939, à la maternité du Cours de la Marne », raconte Laure Garralaga-Lataste.
Mes parents sont partis à pied, comme la plupart. Il y avait quelques camions qui transportaient les civils et militaires blessés, mais si vous en étiez capables vous marchiez. C’était l’horreur, les gens partaient avec ce qu’ils avaient sur le dos, dans le froid et sous le bruit des bombardements et des mitraillettes.
Ils sont restés deux semaines au Perthus [commune des Pyrénées-Orientales, NDLR]. Les conditions d’accueil étaient déplorables, on parquait les espagnols sur un bout de terrain entre des barbelés. (...)
Cette histoire me met en colère, j’estime que la France a abandonné les républicains espagnols.
Mon père était d’origine française, et ma mère avait obtenu la nationalité par mariage, ce qui leur a permis de se rendre avec plus de facilité à Bordeaux où mon père avait de la famille. Nous habitions dans le quartier de “la petite Espagne” aux Capucins. Mon père a tout de suite été enrôlé dans la guerre, il a participé par la suite à la libération de Bordeaux. (...)
Beaucoup d’enfants espagnols ne connaissent pas leur histoire, les parents avaient tellement peur qu’on les arrête qu’ils ne mentionnaient jamais le passé. On disait à ma mère de ne pas me parler en espagnol. » (...)
Trinidad Marza :
« On pensait que l’éducation pouvait changer le monde » (...)
C’était des conditions insupportables : le froid, la faim. Ils n’avaient pas le choix, ils devaient s’engager dans la légion étrangère pour sortir du camp. Je sais de source directe qu’ils faisaient aussi chanter les mères qu’ils séparaient de leurs enfants, en leur disant que si elles voulaient les revoir elles devaient accepter le rapatriement dans l’Espagne de Franco.
Mes parents se sont rencontrés alors qu’ils travaillaient tous les deux dans la Base sous-marine. (...)
Jean-Pierre Machio :
« Mon père s’est arrêté devant la Base sous-marine et m’a dit : “regarde, j’ai travaillé ici.” » (...)