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L’évolution et le développement du langage humain chez Homo symbolicus et Pan symbolicus
parE.Sue Savage-Rumbaugh et William M. Fields
Article mis en ligne le 27 novembre 2015

Bien que la dichotomie classique homme/animal continue de sous-tendre la pensée scientifique occidentale, la génétique moléculaire prouve que les humains sont bien plus proches des chimpanzés et des bonobos que ne pouvaient le supposer les chercheurs en se fondant seulement sur l’évidence anatomique, il y a quelques décennies.

Le degré de similitude de l’ADN entre humains, bonobos et chimpanzés autorise à nous classer tous trois comme espèces-sœurs. Ce qui signifie, aussi étrange que cela puisse paraître, qu’au sein de ces trois espèces, nous sommes plus proches les uns des autres que nous ne le sommes des gorilles (Wildman, Grossman et Goodman, 2002).

Or les divergences comportementales, et, à un moindre degré, morphologiques, sont plus importantes que ne l’expliquent trop simplement les différences d’ADN. De si faibles différences d’ADN entre d’autres espèces très proches ne produisent d’ordinaire que des changements mineurs dans les traits anatomiques et cognitifs.

Tout cela a conduit les biologistes, psychologues, prima­to­logues, anthropologues et philosophes à affirmer que, à un certain point du lignage Homo, une discontinuité totale a dû advenir, sur le plan de la psyché, entre grand singe et homme. On considère que l’épicentre de cette discontinuité est l’apparition du langage humain.

Dès lors, on consacre beaucoup d’efforts à déterminer le fondement du langage à la fois sur le plan génétique et dans le processus de l’évolution. Mais cette recherche est toujours indissociable des présupposés implicites suivants, concernant le langage :

 a) qu’il est absent de toutes les autres formes de vie ;

 b) qu’il permet l’apparition de la raison, de la réflexivité du sujet et de l’action morale ;

 c) qu’il rend possibles des chaînes opératoires complexes ; et

 d) que les artefacts matériels enregistrés par l’archéologie indiquant la présence de l’art (comme l’ocre, les marques qui paraissent des symboles intentionnels, les signes gravés, etc.) coïncident avec l’apparition du langage humain, et sont aussi, dès lors, des preuves nécessaires et suffisantes de cette apparition.

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Ces questions génétiques et philosophiques seront envisagées ici à la lumière des faits établis suivants :

 a) les bonobos élevés dans un environnement complexe «  ?bi-espèces ? » Pan/Homo acquièrent, par le biais de l’observation, de nombreux éléments de langage humain

 b) ils manifestent une réflexivité complexe ;

 c) ils sont capables de raison ;

 d) ils sont capables d’agir moralement ; enfin

 e) ils commentent le passé, l’avenir et des événements éloignés dans le temps et l’espace. Surtout, ils exhibent ces facultés de manière spécifiquement non humaine, parce qu’ils sont élevés non dans un monde humain, comme des enfants humains, mais dans un monde Pan/Homo (Fields, Segerdahl et Savage-Rumbaugh, 2007).

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Leur monde offre une expérience d’acculturation unique dans l’histoire de l’évolution. (...)