Au lendemain de l’élection de Donald Trump, journalistes et commentateurs s’interrogent sur sa capacité à « annuler » l’Accord de Paris sur le climat. Pour certains, les risques seraient limités et éloignés dans le temps. Ce n’est pas notre avis : Trump peut quitter l’Accord de Paris en un an, et, plus important, son élection pulvérise le story-telling entretenu depuis la COP21.
l’alinéa 3 de l’article 28 de l’Accord de Paris stipule en effet que tout pays qui viendrait à se retirer de la Convention-Cadre des Nations-Unies sur le changement climatique (CCNUCC), qui date de 1992, serait « considéré comme s’étant également retiré » de l’accord de Paris. Le président Trump peut légalement, seul, décider du retrait de la CCNUCC dès son arrivée à la Maison-Blanche, et ce retrait sera effectif un an plus tard. Une année suffirait donc à Trump pour déstabiliser l’ensemble de la gouvernance onusienne sur le climat, déclenchant des forces centrifuges potentiellement non maîtrisables.
Personne ne sait ce que Trump fera ou ne fera pas. Mais laisser entendre que nous aurions quatre ans tranquille devant nous n’est pas exact.
D’autre part, si Trump se limite à ne pas appliquer les (bien maigres) engagements pré-2020 et post-2020 pris par Obama, tout en désarmant les régulations et outils existant au niveau national, il contribuera néanmoins à vider de sa substance le principe fondateur des négociations de la COP21 et de l’Accord de Paris qui consistait à 1) embarquer tous les plus grands polleurs dans le même accord 2) empêcher qu’il puisse y avoir des retours en arrière. Puisque l’Accord de Paris n’est doté d’aucun instrument contraignant pouvant empêcher Trump de faire ce qu’il souhaite, il pulveriserait ainsi la promesse de l’Accord de Paris. (...)
Avant l’élection de Trump, les engagements des Etats conduisaient à un réchauffement climatique largement supérieur à 3°C.
Il n’est pas sérieux de laisser entendre que le l’élection de Trump ne serait pas si grave : un négationniste du climat est entrée à la Maison-Blanche, en mesure de recontruire autour de luit une alliance dure de l’ensemble des forces politiques et économiques qui ne veulent surtout rien changer. Cette élection ne doit donc pas être minorée ou édulcorée au prétexte d’essayer de sauver les belles histoires contées depuis la COP21. Il nous faut au contraire faire preuve de lucidité, et tenter de tracer un chemin qui s’appuie sur toutes celles et ceux qui, sincères dans leur démarche, chaque jour agissent à leur niveau, pour contribuer à une transition vers des sociétés décarbonées, justes, solidaires et démocratiques.
Le parcours est encore plus escarpé aujourd’hui qu’hier. Il va nous falloir désarmer tous ceux qui nient l’urgence de sortir de l’âge des fossiles et qui ont trouvé un allié de poids avec l’élection de Donald Trump à la Maison-Blanche. Le tout avant de pouvoir enclencher une véritable transition énergétique. La phrase de Murray Bookchin, selon lequel nous sommes condamnés « à faire l’impossible pour ne pas devoir faire face à l’impensable » est encore plus pertinente qu’hier. (...)