
Née aux États-Unis, l’écopsychologie porte un regard inédit sur les problèmes environnementaux. Entre recherche et pratique, ce mouvement, qui a des affinités avec la simplicité volontaire, la permaculture ou les villes en transition, propose des stages pour développer notre perception sensible de la nature. Et, ce faisant, devenir acteurs d’un changement politique.
« Malgré son intelligence, l’être humain persiste à détruire la biosphère, dont il est dépendant et dont il a besoin pour vivre », constatent les écopsychologues depuis les années 1980. Michel Maxime Egger, sociologue et auteur d’une introduction à l’écopsychologie, Soigner l’esprit, guérir la terre, précise que l’écopsychologie veut aller « à la racine des problèmes écologiques », or, cette racine serait d’ordre culturel : l’état de la planète résulterait de la perte du lien de l’homme avec la nature.
L’écopsychologie est largement inspirée par les traditions premières et on y croise des chamanes, des militants, des philosophes, des scientifiques, des thérapeutes... Ce vaste champ de recherche et de pratique transdisciplinaires appelle à une fécondation mutuelle de l’écologie et de la psychologie. « L’écopsychologie est moins une discipline qu’un projet mouvant. Son pluralisme est une vraie richesse », souligne Michel Maxime Egger, qui précise que ce n’est pas une psychothérapie, même si son volet pratique est parfois appelé « écothérapie ». « Ce terme peut porter à confusion et aujourd’hui je préfère parler d’écopratiques » (...)
Les écopsychologues ont notamment cherché à comprendre ce hiatus entre la masse d’informations — plus qu’alarmistes — dont nous disposons sur l’état de la planète, et la lenteur avec laquelle nous consentons, individuellement et collectivement, à changer nos modes d’existence. Selon leur analyse, au cours de son évolution l’être humain s’est peu à peu distancié de la nature au point de perdre la capacité à la ressentir. Cette perte de connexion intime l’aurait conduit à envisager la Terre comme un objet extérieur, assimilable à un stock de matières premières à gérer.
Or la nature a une âme, soutiennent les écopsychologues, qui « renouent avec l’anima mundi des Grecs et des Latins » et « contribuent au réenchantement de notre relation au monde » (...)
« Ce concept d’âme du monde est central pour appréhender l’écopsychologie, selon laquelle on ne peut pas séparer notre psyché de celle du monde. Notre âme n’est alors qu’une expression particulière de cette anima mundi, entité totalisante qui peut être rapprochée de la figure de la Terre, de Gaïa », analyse de son côté Jean Chamel, ingénieur et anthropologue qui rédige une thèse sur l’approche spirituelle de l’écologie (...)
Notre intellect sait que la nature est mal en point, mais la plupart d’entre nous ne ressentons pas ses souffrances. Or, devenir capables d’une telle sensibilité permettrait d’accéder à un changement individuel profond, affirment les écopsychologues. Prenons l’exemple des écogestes (trier ses déchets, ne plus prendre sa voiture...) qu’on effectue par contrainte morale ou légale : dès lors qu’on perçoit la souffrance du vivant, ils deviennent une nécessité intérieure. De fait, les stages d’écopsychologie pratique proposent aussi un temps d’élaboration d’un projet personnel qui vise, une fois rentré chez soi, à devenir acteur du changement social. (...)
Le militant, qui a aussi été député dans les années 1970 et a présidé la Conférence des parties aux conventions de Bâle et de Rotterdam au début des années 2000, souligne toutefois le risque d’en attendre un absolu, une résolution de tous ses problèmes personnels, voire d’en faire un dogme ou une religion. (...)