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Basta !
L’écologie selon Marine Le Pen, entre marketing et mascarade
Article mis en ligne le 3 mai 2017

Avec sa visite surprise à l’usine de Gardanne, dimanche, Marine Le Pen cherche à occuper le terrain de l’écologie, déserté par Emmanuel Macron. Une récupération politique qui s’inscrit dans la stratégie de séduction des électeurs de gauche menée par la candidate du Front National. Mais ce marketing écolo ne tient pas longtemps, dès qu’on se penche sur l’histoire et les prises de position des élus frontistes, productivistes, consuméristes et nucléocrates. Décryptage d’une mascarade.

dans une campagne qui a définitivement reléguée cette problématique aux oubliettes, la candidate frontiste s’est soudainement transformée en porte-parole des enjeux écologiques. Au menu, la promesse d’un grand ministère de la Santé et de l’Environnement, et l’objectif affiché, face aux pollutions de Gardanne, de « pouvoir mettre en protection nos compatriotes des risques environnementaux ».

Une sortie qui a fait bondir chez les opposants historiques à ce projet : « C’est l’opportunisme électoral le plus flagrant, s’insurge Michèle Rivasi, l’eurodéputée EELV de cette région. Sur le terrain, nous n’avons jamais vu le Front National militer contre ce projet ». Cela fait pourtant des années que le sujet est au cœur des débats politiques : à la suite de l’autorisation à prolonger les rejets toxiques en mer en décembre 2015, la dispute entre Ségolène Royal - ministre de l’Environnement et opposée à cette pollution - et Manuel Valls, alors Premier Ministre, a remis un coup d’éclairage sur cette histoire, mais cela fait plus de 50 ans que l’industrie locale d’aluminium tapisse de pollutions rouges les terres et mers des environs. Depuis 1966 précisément, quand l’usine appartenant encore à Péchiney s’est décidé à évacuer les résidus de bauxite – minerai dont on extrait l’alumine – dans les calanques méditerranéennes, une cinquantaine de kilomètres plus loin.

Récupération politique et vacuité du discours

« L’extrême-droite ne s’est jamais intéressée au sujet, se souvient Sophie Camard, ancienne élue régionale écologiste. Même en 2015, elle n’a pas participé à l’enquête publique ». Une récupération politique d’autant plus dérangeante qu’elle ne manque pas de contradiction. Marine Le Pen prétend combattre la « mondialisation sauvage » mais dit vouloir s’appuyer, à Gardanne, sur le secteur privé avec qui l’État devrait « agir main dans la main ». « Comment compte-t-elle s’y prendre avec le fonds de pension américain H.I.G Capital qui est le propriétaire d’Alteo ? », interroge Olivier Dubuquoy, géographe et auteur du documentaire Zone Rouge, Histoire d’une manipulation toxique. Ce dernier dénonce la vacuité du discours de Marine Le Pen (...)

Des effets d’annonce suffisants toutefois pour emporter la bataille des médias, dont Sophie Camard dénonce le traitement : « En quoi est-il question d’écologie ? Sa déclaration est complètement bateau… Ce qu’elle a dit, Valls aurait pu le dire ! ».

Cette stratégie de greenwashing n’est pas nouvelle du côté du Front national. (...)

De fait, le vernis s’écaille vite et la liste des incohérences s’allonge dès lors qu’on gratte un peu la surface. La transition énergétique ? Le nucléaire reste la base du mix énergétique, tandis que l’éolien subit un moratoire immédiat et que la question des gaz de schiste semble loin d’être tranchée. L’agriculture ? Elle doit être biologique et en circuits courts, mais surtout libérée des normes administratives et environnementales. Notre-Dame-des-Landes ? La consultation populaire a bon dos, car « rien ne peut aller contre ». Ce qui permet surtout à Marine Le Pen de se dire opposée au projet d’aéroport tout en appelant à la « fermeté » quant à ce « petit groupuscule d’anarchiste [qui ne doit pas faire] céder indéfiniment l’Etat français ». L’écotaxe ? Sus à l’« écologie punitive » ! Le FN a soutenu fermement les bonnets rouges. La biodiversité ? Pas un mot sur les zones humides ou la déforestation, le terme n’apparaît même pas dans le programme [1].

Les votes des élus FN dévoilent la mascarade

Pire, à tous les échelons du pouvoir, les votes des élus frontistes finissent de trahir leur véritable positionnement. Dans les conseils régionaux, les transports collectifs, le plan Forêt ou l’évaluation du changement climatique sont autant d’enjeux qui ne recueillent pas l’assentiment du FN, comme l’a déjà montré Basta !. (...)

Pas un mot sur l’écologie, pourtant, dans « l’appel aux insoumis » que Marine Le Pen a publié en vidéo sur Twitter : « elle énumère tous nos thèmes, la démocratie, la paix, le refus des traités de libre-échange, la Russie, les travailleurs détachés… mais elle oublie complètement l’écologique, alors que c’était le soubassement-même de tout notre projet », poursuit Corinne Morel-Darleux. Rien de plus logique, finalement, que ce « lapsus politique », selon Erwan Lecoeur : « Ses conseillers ont beau lui écrire de grands discours sur le sujet, le naturel revient toujours au galop : en réalité, l’écologie n’a absolument pas pénétré le logiciel de Marine Le Pen, cela n’est rien d’autre que du marketing ».