
Du Trecento au Cinquecento, les « Annonciations faites à Marie » vues dans les Musées que j’ai visités, de Florence à Rome, de Venise à Sienne, de Turin à Pérouse, m’ont toujours fascinées. Ah qu’il est beau le Gabriel. Et qu’elle est attentive la Marie !
Il faut dire qu’à travers des centaines de tableaux, refaits sans cesse pendant des décennies, la situation décrite est cocasse : un « archange » arrive, bel homme. Le mari n’est pas là, menuisier, il doit travailler ailleurs. Et « l’archange » propose à la Marie de lui faire un enfant. D’une façon il est vrai particulière puisqu’elle reste « vierge », et que l’honneur sera sauf, on dira qu’il est le « fils de dieu ». Beau coup. GPA. PMA. De quoi faire vaciller la foi des plus solides des anti mariage pour tous.
Depuis le temps que j’en parle avec délectation, ma fille Emma m’a offert à Noël, un livre sur « L’annonciation italienne » et « les perspectives ». Je m’attendais naturellement à ce que ce soit un livre un peu coquin sinon plus. J’imaginais déjà les regards pénétrants et multiples du Gabriel et ceux, intéressés, surpris mais séduits de la Marie. D’autant que mes souvenirs de mes visites assidues aux musées étaient très précis : la gestuelle du Gabriel était plus conquérante et offensive que celle des amoureux des films d’aujourd’hui, et les défenses de la Marie m’ont toujours semblé d’une vulnérabilité infiniment délectable, rarement autant réussie dans les grandes productions de nos jours. J’ai toujours souhaité qu’un éditeur me permette de publier en un beau livre illustré, une bonne cinquantaine d’Annonciation commentées, évidemment pas de façon religieusement orthodoxe mais avec une approche sensuellement intéressante. Hélas l’occasion ne m’en a jamais été donnée. Là Daniel Arasse, à la bibliothèque Hazan pour 18,25 euros ne se consacre pas à l’émotion érotique mais à l’ « histoire de la perspective » d’abord « théologisée » puis « contredite », et enfin « merveilleuse » et « débordée ». Il va de Florence à Venise, de Masaccio à Titien, d’Arezzo à Bellini. Mais le lisant j’avoue que derrière un ton très érudit, il laisse quand même à penser. (...)