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L’Autrichienne qui veut donner 90% de son héritage
/Joëlle Stolz Journaliste Vienne - Autriche
Article mis en ligne le 27 mai 2021
dernière modification le 26 mai 2021

L’Autrichienne Marlene Engelhorn, décidée à donner 90% de son héritage, a suscité moult commentaires sur le site du quotidien « Der Standard ». Cette fan de Thomas Piketty prône une fiscalité plus juste, à l’encontre de la tradition philanthropique incarnée par l’ex-couple Bill et Melinda Gates.

Elle a un visage sympathique et elle est décidée à distribuer de la façon la plus intelligente possible 90% de sa part d’héritage, qui lui sera attribuée en tant qu’arrière-petite-fille du fondateur de la firme BASF. On ne sait pas de combien elle héritera, seulement que la somme se compte en millions et qu’elle est « à deux chiffres », donc entre 10 et 90 millions d’euros, la fortune totale de sa grand-mère viennoise Traudl Engelhorn-Vechiatto étant estimée par Forbes à 4,2 milliards de dollars.

BASF, fusionnée avec Bayer et Hoechst sous le nom tristement célèbre d’IG Farben (qui produisit le gaz Zyklon B), a fait ensuite partie du groupe allemand Boeringher-Mannheim, acquis en 1997 par le géant suisse Hoffmann-La Roche. Ou comment du capitalisme le plus prédateur, voire le plus criminel, peut surgir soudain une proposition éthique, que certains qualifieront de "social-démocrate" mais qui lance le débat sur la fiscalité de façon concrète. (...)

"Faites-moi donc payer des impôts !". Et sa conclusion est tout aussi claire : « Je veux partager. Point ».

Car, bien au-delà de la question des droits de succession, qui ont été supprimés en Autriche en 2008 (sous une coalition du parti socialiste SPÖ avec les conservateurs de l’ÖVP), elle pose celle de la justice sociale. « Comment est-il possible qu’une mère célibataire avec un travail à temps partiel paie 20% d’impôt sur le revenu, alors que quelqu’un comme moi reçoit une petite fortune en cadeau ? Tout simplement. Avec 0% d’impôt ».

La future héritière, qui trouve normal de travailler au lieu de vivre de ses rentes, se dit motivée par un sens de la responsabilité collective et le respect des autres, mais aussi, « même si c’est un terme un peu kitsch », par « l’amour de mon prochain : je veux que mon voisin aille bien, parce qu’il est un être humain ».

Pourtant nulle trace perceptible de charité chrétienne dans le discours de Marlene Engelhorn, qui se réclame du champion français de la justice fiscale, l’économiste Thomas Piketty, dont deux disciples, Saez et Zucman, ont influencé le discours électoral démocrate (mais Joe Biden vient de reculer en mettant en avant une taxation à 15% des entreprises, soit guère plus que ce que promouvait son prédécesseur Trump). Elle revient notamment sur sa proposition centrale, qui vise à rétablir une certaine égalité de chances en accroissant jusqu’à 90% les impôts des plus riches afin que l’Etat puisse verser à chacun, à l’âge de 25 ans, un pécule de 120.000 euros.

En France, où les droits de succession s’échelonnent de 20% à 45%, cette fiscalité progressive, qui fut encore durcie sous les quinquennats de Sarkozy et Hollande, n’a pas empêché que se constitue une caste d’héritiers - au sens que Bourdieu donnait à ce terme, en incluant le capital social et culturel - toujours plus fermée. (...)

"Faites-moi donc payer des impôts !". Et sa conclusion est tout aussi claire : « Je veux partager. Point ».

Car, bien au-delà de la question des droits de succession, qui ont été supprimés en Autriche en 2008 (sous une coalition du parti socialiste SPÖ avec les conservateurs de l’ÖVP), elle pose celle de la justice sociale. « Comment est-il possible qu’une mère célibataire avec un travail à temps partiel paie 20% d’impôt sur le revenu, alors que quelqu’un comme moi reçoit une petite fortune en cadeau ? Tout simplement. Avec 0% d’impôt ».

La future héritière, qui trouve normal de travailler au lieu de vivre de ses rentes, se dit motivée par un sens de la responsabilité collective et le respect des autres, mais aussi, « même si c’est un terme un peu kitsch », par « l’amour de mon prochain : je veux que mon voisin aille bien, parce qu’il est un être humain ».

Pourtant nulle trace perceptible de charité chrétienne dans le discours de Marlene Engelhorn, qui se réclame du champion français de la justice fiscale, l’économiste Thomas Piketty, dont deux disciples, Saez et Zucman, ont influencé le discours électoral démocrate (mais Joe Biden vient de reculer en mettant en avant une taxation à 15% des entreprises, soit guère plus que ce que promouvait son prédécesseur Trump). Elle revient notamment sur sa proposition centrale, qui vise à rétablir une certaine égalité de chances en accroissant jusqu’à 90% les impôts des plus riches afin que l’Etat puisse verser à chacun, à l’âge de 25 ans, un pécule de 120.000 euros.

En France, où les droits de succession s’échelonnent de 20% à 45%, cette fiscalité progressive, qui fut encore durcie sous les quinquennats de Sarkozy et Hollande, n’a pas empêché que se constitue une caste d’héritiers - au sens que Bourdieu donnait à ce terme, en incluant le capital social et culturel - toujours plus fermée. (...)

sur de grandes parties de la planète il n’existe ni assurance-maladie digne de ce nom, ni allocations, ni retraite même minable, ni minimum vieillesse), la question de l’accès à la propriété immobilière est devenue explosive dans bien des capitales, comme Berlin. (...)

Marlene Engelhorn prend donc les devants et veut s’appliquer à elle-même la règle préconisée par Piketty.

Elle va réfléchir à la manière dont elle va distribuer au mieux les 90% de sa fortune - modeste au regard des mastodontes qui dominent le classement annuel de Forbes. Mais cette militante active dans plusieurs réseaux, notamment dans la « Guerrilla Foundation » de Berlin qui soutient « un changement systémique en Europe », récuse par avance la logique philanthropique chère à Bill et Melinda Gates ou à l’ex-femme de Jeff Bezos, MacKenzie Scott (laquelle a donné l’an dernier 4,2 milliards de dollars : l’équivalent de la totalité de l’héritage Engelhorn).

Elle ne croit pas que ces dons faramineux puissent être « une phase transitoire en attendant un vrai impôt sur la fortune ». Et souligne que McKenzie Scott a engrangé de nouveau, depuis son don « généreux », le revenu dont elle s’était séparée grâce aux actions qu’elle possède dans Amazon. « Et Amazon, on le sait, exploite systématiquement les gens et le climat ».