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Médiapart
L’Assemblée allonge les délais pour avorter, malgré l’hostilité du gouvernement
Article mis en ligne le 9 octobre 2020

Les députés ont adopté jeudi une proposition de loi favorisant l’accès à l’interruption volontaire de grossesse, grâce aux voix de LREM, de certains de ses alliés et de toute la gauche. LR et le RN étaient contre. Tout comme le gouvernement.

D’emblée, le ton était donné. Jeudi matin, à l’Assemblée, les caméras sont loin, il n’y a pas de questions au gouvernement. À l’ordre du jour figure la niche parlementaire d’un petit groupe dissident de La République en marche, EDS. Sur le papier, pas de quoi attirer les foules. Sauf que le débat est houleux et que Les Républicains (LR) ont tenté un coup de poker : investir l’hémicycle et faire capoter la proposition de loi pour favoriser l’accès à l’IVG, avec le soutien implicite du gouvernement.

La manœuvre a échoué mais elle illustre parfaitement la teneur des débats qui ont eu lieu jeudi 8 octobre : une coalition inédite de députés issus (...)

La proposition de loi portée par la députée Albane Gaillot (Écologie Démocratie Solidarité, EDS) a été adoptée par 86 voix, contre 59. (...)

Pendant les débats, les partisans de la proposition de loi se sont relayés pour rappeler que si l’IVG est un droit depuis plus de quarante ans, cet acte est de plus en plus difficile d’accès. En fonction des territoires et des milieux sociaux, comme le montrent les dernières études parues, celle de la Drees, ou le rapport élaboré par la Délégation aux droits des femmes de l’Assemblée.

De quoi justifier l’assouplissement de plusieurs dispositifs (détaillés ici) : les délais bien sûr, mais aussi la suppression de la double clause de conscience pour les médecins, la suppression du délai de réflexion de 48 heures pour les femmes qui demandent un entretien psycho-social avant une IVG, la publication d’un répertoire des professionnels de santé et des établissements qui pratiquent l’IVG par les ARS (agences régionales de santé), et la possibilité pour les sages-femmes d’effectuer des IVG instrumentales.

Les opposants ont invoqué des principes éthiques, et estimé que l’équilibre trouvé par Simone Veil en 1974 était rompu. (...)

Dans l’hémicycle, Olivier Véran, présent dans la matinée avant d’être remplacé par la ministre déléguée Brigitte Bourguignon, a fait le contorsionniste, reprenant à son compte les conclusions du rapport de la Délégation droits des femmes, dont il a salué le travail, tout en refusant le texte, sous prétexte d’une saisine du Conseil consultatif national d’éthique (CCNE). Une saisine dont la date n’a pas été précisée par le gouvernement, malgré les questions insistantes de la droite moquant la gestion brouillonne du débat.

« Allonger le délai d’accès à l’IVG sans avoir au préalable consulté les instances que l’État a installées de façon indépendante pour éclairer les décisions de politiques publiques […] est un problème », a expliqué le ministre de la santé Olivier Véran. « Je suis un fervent défenseur du droit à l’avortement. Je suis aussi un fervent défenseur de l’État de droit et du fonctionnement de nos institutions. »

Il s’en est donc remis à la sagesse de l’Assemblée – il n’a pas formellement donné de consigne de vote –, mais avec beaucoup de réticences. (...)

En conséquence de quoi, dans la matinée, lors d’un débat sur un amendement, le gouvernement a émis un avis défavorable, avant de battre en retraite (avec la sagesse) face à sa majorité. (...)

Les dispositions votées sont encore loin de devenir effectives : la proposition de loi doit d’abord être inscrite à l’agenda du Sénat, qui, dominé par la droite, devrait la rejeter. Il faudra ensuite une deuxième lecture avant un vote définitif du texte et, enfin, des décrets d’application.