
Le président de la République fédérale devrait présenter les excuses de l’Allemagne devant le Parlement namibien pour les massacres commis il y a cent quinze ans par l’ex-puissance coloniale en Afrique australe. Entre 1904 et 1908, quelque 60 000 Hereros et 10 000 Namas ont été pendus ou fusillés.
Quelque cent quinze ans après les massacres des peuples hereros et namas, des représentants de l’Allemagne et de la Namibie sont parvenus à se mettre d’accord samedi 15 mai à Berlin sur un document qui établit les responsabilités de la puissance coloniale d’antan. Le texte, paraphé par le représentant allemand, Ruprecht Polenz (CDU), et son homologue namibien, le diplomate Zedekia Ngavirue, a été transmis aux différentes instances et assemblées des deux pays pour une ratification en bonne et due forme.
Un chapitre s’ouvre dans le traitement du colonialisme
Après des années de laborieuses négociations, le gouvernement d’Angela Merkel reconnaît ainsi le génocide perpétré par l’armée du second empire allemand contre ces populations de l’Afrique australe. Le président de la République fédérale, Frank-Walter Steinmeier (SPD), a fait savoir qu’il souhaite se rendre rapidement à Windhoek devant le Parlement namibien pour y prononcer les excuses de l’Allemagne. (...)
Réparations : des mesures loin du compte
En reconnaissant juridiquement sa responsabilité, Berlin va s’engager à verser des réparations à la Namibie et aux descendants des Hereros et des Namas exterminés. La question a contribué à étirer les négociations entamées depuis presque dix ans entre Berlin et Windhoek. Aucun chiffre, aucune mesure précise n’a filtré du document adopté samedi 15 mai. (...)
Des représentants directs des communautés hereros et namas estiment que l’on est encore loin du compte. Ils avaient fait connaître leurs réticences à voir leurs intérêts représentés par les autorités de Windhoek. Ils soulignent l’ampleur des crimes commis à l’occasion de ce qui fut le premier génocide perpétré au XXe siècle. Et les faits établis par les historiens sont effectivement accablants. Ils renvoient à d’autres récits effroyables qui allaient envahir par la suite les plus sombres épisodes de l’histoire de l’Allemagne et de l’Europe.
Camps de concentration et expériences pseudo-scientifiques
Tout commence en 1904. Les Hereros sont chassés de leurs terres, sur lesquelles ils pratiquent l’élevage, par des colons allemands. Ils se révoltent et tuent des paysans allemands. Ils seront rejoints, quelque temps plus tard, par les Namas, une autre population de bergers expulsée. Les représailles de la puissance coloniale seront dantesques. Entre 1904 et 1908, quelque 60 000 Hereros (sur un total estimé à 80 000 individus) et 10 000 Namas (sur 20 000) vont être pendus ou fusillés. De façon méthodique et très organisée. Selon des préceptes eugénistes et des procédés qui renvoient aux génocides commis quelques décennies plus tard par les nazis. (...)
Des familles entières de Hereros et de Namas sont regroupées dans des camps de concentration. Ils sont catalogués comme faisant partie d’une « race inférieure ». Des expériences pseudo-scientifiques sont conduites sur certains prisonniers. Près de 300 crânes sont envoyés dans la métropole et exposés longtemps au cœur de Berlin dans la fameuse « île des musées ».
Objets d’art pillés (...)
L’exigence de restitutions pour vol comme de réparations pour crime contre l’humanité prend une place de plus en plus importante. Ce passé-là ne saurait plus être refoulé sous les tapis de l’histoire. Comme l’atteste l’accord, même imparfait, enfin passé entre Berlin et Windhoek. (...)