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M’PEP
L’AUTOCRATIE FINANCIÈRE ET SON CLERGÉ MÉDIATIQUE
Article mis en ligne le 19 février 2012
dernière modification le 16 février 2012

Un parallèle saisissant me paraît en effet s’imposer entre notre monde d’aujourd’hui et l’état de la France à la veille de 1789. Alors le pouvoir décisif était celui de l’aristocratie foncière (la noblesse, rangée derrière son Roi). Aujourd’hui c’est celui de la « ploutocratie » financière aux postes de commande dans le capitalisme des monopoles généralisés. Ce pouvoir était servi par une « noblesse de robe » - une bourgeoisie drapée dans les habits de l’aristocratie. Aujourd’hui le pouvoir des monopoles est servi par une « classe politique » constituée de véritables débiteurs (y compris au sens financier banal du terme), où se retrouvent associés les politiciens de la droite classique et de la gauche électorale. A son tour le pouvoir politique aristocratique/monarchiste de l’Ancien Régime était soutenu par un clergé (catholique en France) dont la fonction était de lui donner l’apparence de légitimité par le développement d’une rhétorique casuistique appropriée. Aujourd’hui les médias sont chargés de cette fonction. Et la casuistique qu’ils développent pour y parvenir et donner l’apparence de légitimité au pouvoir dominant en place est caractéristique des méthodes traditionnelles mises en œuvre par les clergés religieux.

(...)Un regard rapide sur la réalité du monde, à toutes ses époques, révèlerait la coexistence de pouvoirs multiples. Par exemple dans notre monde moderne le pouvoir économique des grandes entreprises et les pouvoirs politiques – législatifs exécutif, judiciaire – exercés dans un cadre institutionnel défini, « démocratique » ou non. Par exemple les pouvoirs que les idéologies et les croyances (religieuses entre autre) exercent sur les peuples. Par exemple enfin le pouvoir des médias qui diffusent les informations, les sélectionnent, les commentent.

La reconnaissance de cette pluralité relève de la banalité extrême. Car la vraie question qui doit être posée est la suivante : comment ces pouvoirs, dans leur diversité, s’organisent pour se compléter dans leurs effets de construction du tissu social, ou au contraire entrent en conflit sur ce terrain. Bien entendu la réponse à cette question ne peut être que concrète, c’est-à-dire concerner une société donnée à un moment donné de son histoire. Les réflexions qui suivent concernent l’articulation entre les pouvoirs médiatiques et les autres dimensions des pouvoirs sociaux dans le capitalisme contemporain. (...)

Nous ne vivons donc pas un moment d’avancées démocratiques mais au contraire nous assistons à sa défiguration et au recul de la démocratie. Le citoyen capable d’appréhender la réalité est soumis à un bombardement qui le dépolitise or il n’y a pas de démocratie sans citoyens politisés, de ce fait capables d’imagination créatrice, de production d’alternatives cohérentes et différentes. On lui substitue l’individu passif (dépourvu donc de toute liberté authentique) réduit au statut de consommateur/spectateur.
(...)

Le stade suprême de la farce est désormais atteint dès lors que des « agences de notation » (c’est-à-dire des employés de ces mêmes monopoles) tracent les frontières de ce qui serait « possible ». (...)

Or, hélas, les médias dominants participent activement à la distillation de cette pensée unique, le contraire absolu de la pensée critique. Certes ils ne le font pas en pratiquant le mensonge. Les médias respectables s’en gardent bien. Mais ils sélectionnent et leurs commentaires s’inscrivent dans ce qu’on attend d’eux. Leur autonomie se réduit alors à la mise en œuvre d’une casuistique fonctionnelle pour légitimer l’ordre en place. C’est donc en ce sens que je prétends que le pouvoir de l’aristocratie financière appelle en complément celui du clergé médiatique. (...)

Dans la Révolution française des représentants du « bas clergé » s’étaient désolidarisés des hiérarchies débitrices de l’aristocratie de l’époque pour contribuer à la construction du nouveau citoyen doté d’une capacité de pensée critique réelle. Un processus analogue se dessine peut être dans les médias contemporains. Sans doute les militants du renouveau des médias authentiquement démocratiques sont-ils confrontés à la concurrence inégale des « grands médias », bénéficiaires de moyens financiers fabuleux. On ne peut donc ici que saluer – et soutenir – les contributions de cette minorité. (...)

Il ne s’agit pas de substituer à une pensée unique – celle qui s’emploie à légitimer les pratiques des monopoles généralisés – une « autre pensée unique ». Il ne s’agit pas non plus de « juxtaposer » des pensées et des projets divers qualifiés d’emblée d’également légitimes. Il s’agit, par un travail patient et continu, de contribuer au développement de la pensée critique, capable de ce fait, de donner un sens aux luttes sociales et politiques qui s’inscrivent dans la perspective d’émancipation des esprits et des êtres humains, pris dans leur individualité et dans les collectifs qu’ils créent par leurs luttes.
(...)

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