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le Monde
Journal de crise des blouses blanches : « La consigne est de se cacher quand le brancard passe »
Article mis en ligne le 23 mars 2020

« Le Monde » donne la parole, chaque jour, à des personnels soignants en première ligne face au coronavirus. Ils racontent « leur » crise sanitaire. Episode 1. (...)

« Une réorganisation de fond en comble pour pratiquer une médecine de catastrophe »

Véronique Manceron, 49 ans, interniste-infectiologue, hôpital Max-Fourestier, Nanterre (Hauts-de-Seine)
« Chez nous, à Nanterre, l’afflux de patients ne fait que commencer, pourtant j’ai le sentiment, en ce vendredi soir [20 mars], d’avoir vécu en quatre jours plus de choses que depuis mon arrivée ici, il y a trois ans. C’est extraordinairement intense, c’est une réorganisation de fond en comble qui est en train d’être mise en place, pour pouvoir pratiquer une médecine de catastrophe.
(...)

« Aujourd’hui, nous attendons que la vague arrive et l’un des stress forts est celui de la protection des soignants »

(...). « Je me préparais à six semaines non-stop de travail, mais ça y est, je suis tombé malade… »

Damien Pollet, 58 ans, médecin généraliste à Salins-les-Bains (Jura)
« Après être allé en visite dans un Ehpad [établissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes] et avoir découvert que personne n’avait de masque pour travailler, j’ai lancé, mercredi 18 mars, un appel sur Facebook, relayé par le journal régional. Grâce à des artisans, des entreprises, des esthéticiens, des agriculteurs, j’ai récupéré, ces derniers jours, plus de 16 000 masques ! On les a redistribués aux pompiers, dans les Ehpad, à mes collègues infirmiers, à des commerçants, des gendarmes, etc. Beaucoup sont périmés, mais tant pis, cela nous donne au moins sept ou huit jours de répit. Mais ça y est, je suis tombé malade…
La contagiosité est tellement difficile à maîtriser dans notre pratique… J’avais pourtant pris toutes les mesures nécessaires avec les patients, et le cabinet médical était désinfecté chaque jour. (...)

« Le but est de sécuriser au maximum les femmes qui vont accoucher »

Géraldine Morel, 52 ans, sage-femme en hôpital privé et en libéral dans la région d’Annecy (Haute-Savoie)
« Ce ne sont pas mes patientes les plus stressées. Celles à qui j’ai dit qu’on devait annuler les cours de préparation à la naissance sont chouettes ! Elles s’inquiètent pour nous, nous demandent si ce n’est pas trop difficile. Elles savent qu’elles sont là pour un événement positif et qu’il se produit des choses dramatiques à côté.
Nous ne sommes pas préparés. J’ai puisé dans un vieux stock de masques datant de la grippe H1N1 de 2009. Ils sont sûrement périmés, mais cela rassure les gens.
Vendredi matin, le conseil de l’ordre a diffusé des consignes. Les nouveau-nés n’auront pas à être séparés de leur mère. L’allaitement ne sera pas contre-indiqué. Mais les accouchées rentreront chez elles après vingt-quatre heures. Et toutes les maternités de la Haute-Savoie vont déléguer le suivi des grossesses “à bas risque” aux sages-femmes libérales. Tout d’un coup, les sages-femmes deviennent la solution à tout. On compte beaucoup sur nous, alors qu’on est inexistantes habituellement dans le système.(...)

« On trie les patients en fonction de la gravité : blanc-gris et noir »

Claire Paris, 49 ans, infirmière au CHU de Nantes (Loire-Atlantique) (...)

« Ce n’est que le début de la guerre et on commence déjà à perdre des soldats »

Mathias Wargon, 53 ans, chef des urgences à l’hôpital Delafontaine à Saint-Denis (Seine-Saint-Denis)
« Je n’aime pas l’expression “médecine de guerre”. Je lui préfère le terme de médecine de catastrophe. Je suis un civil. Si j’avais voulu faire de la médecine de guerre, je serais entré dans l’armée
Au départ, ce qui était surtout impressionnant, c’était les arrivées des gens dépistés qui revenaient d’un cluster, ou directement en brancard. La consigne est de se cacher quand le brancard passe. C’est une procédure d’entrée à laquelle on n’est pas habitué. (...)

C’est maintenant que les cas vont vraiment apparaître.