Jeudi et vendredi s’est tenue à Grande-Synthe la première Convention nationale sur l’accueil et les migrations. Des élus aux associatifs, tous les acteurs de l’aide aux migrants ont jeté des ponts entre les initiatives locales, cherchant à construire un réseau des villes accueillantes.
Quelques instants de flottement et, finalement, quelqu’un se lance : « Je m’appelle Marie, je suis élue à la ville de Strasbourg. » Une deuxième personne enchaine : « Moi, je travaille pour la fondation Generali, l’assureur privé » ; puis une troisième : « Je suis présidente d’une association qui héberge des migrants. » Au Palais du littoral, à Grande-Synthe, plusieurs cercles de chaises en plastique ont été formés. À chaque fois, ils sont cinq ou six à échanger leurs opinions, à se raconter leurs expériences. On trouve des membres d’associations, des élus, des employés du secteur privé… Tous sont acteurs et actrices de l’aide aux personnes migrantes. Catherine Bassani est conseillère municipale à Nantes : « En France, chacun bosse dans son couloir, avec ses œillères. La question de la migration est un problème transversal, je viens ici pour chercher des solutions transversales, faire des liens avec des gens qui ne travaillent pas avec moi d’habitude. » (...)
Pendant deux jours, ils ont été plus de 800 à avoir répondu présent pour cette première Convention nationale sur l’accueil et les migrations. La première journée a été consacrée à des ateliers de construction, la deuxième à des tables rondes. « L’idée est d’échanger des expériences inspirantes en matière d’accueil, de réfléchir aux réussites et aux échecs », explique Karen Akoka. Sociologue au CNRS, elle animait l’un des ateliers. « Il faut que chacun des participants reparte dans son territoire avec de bonnes idées concrètes et inspirantes », dit-elle. Sur internet, un site collaboratif doit permettre de retrouver le contenu des échanges.
« Il y a quelque chose qui bouge dans l’opinion »
Échanger de bonnes pratiques pour construire des ponts entre les actions locales, c’est le leitmotiv de cette convention nationale. L’événement s’est monté en quelques mois sous l’impulsion de Damien Carême, le maire de Grande-Synthe. C’est lui qui, il y a deux ans, avait ouvert sur sa commune le premier camp humanitaire de France : 213 maisonnettes qui ont accueilli plus d’un millier de personnes migrantes. Depuis, le camp a brulé, mais l’initiative est devenue un symbole et a été suivie de l’ouverture du centre humanitaire de La Chapelle, à Paris, en 2016. (...)
Plusieurs élus ont répondu à l’invitation de la convention, mais peu d’entre eux dirigent de grandes villes. Parmi les maires des dix plus grandes villes de France, seul Éric Piolle, l’édile de Grenoble, est présent à Grande-Synthe. La maire de Paris, Anne Hidalgo, était annoncée, mais n’a pas fait le déplacement. Pour Éric Piolle, le rôle des villes est pourtant déterminant « face à l’impasse de la politique du gouvernement et alors que nous sommes à un croisement de société entre accueil de l’autre et enfermement sur nous-même ». (...)
Dans son discours de conclusion de cette première convention nationale, Damien Carême a répété son souhait de voir émerger un réseau d’associations et de villes capables de proposer un « accueil digne ». L’un des intervenants de la convention , le sociologue spécialiste des questions de migration Michel Agier a rappelé lui une phrase prononcée par Jacques Derrida. C’était en 1995 à Strasbourg lors d’une rencontre pour tenter d’organiser, déjà, un réseau de villes capables de mieux accueillir les exilés. « À quel point en France des villes et des associations peuvent-elles être efficaces sans l’État voire contre l’État ? » avait demandé le philosophe. Vingt ans plus tard, la question n’a pas trouvé de réponse, mais un mouvement de fond semble être lancé avec déjà un prochain rendez-vous. Ce sera fin mai, à Paris, pour la restitution des états généraux des migrations, le résultat d’une année de concertation entre plus de 500 associations avec un objectif : construire, elles aussi, un réseau national.