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Jérôme Segal : « Qui sont les animaux ? »
Article mis en ligne le 3 avril 2020
dernière modification le 2 avril 2020

La pla­nète est donc para­ly­sée. « Le coro­na­vi­rus à l’origine de l’actuelle pan­dé­mie pro­vient indis­cu­ta­ble­ment de la consom­ma­tion d’animaux », vient de rap­pe­ler un col­lec­tif essen­tiel­le­ment consti­tué de méde­cins. Jérôme Segal, his­to­rien et cher­cheur, a cosi­gné cette tri­bune.

Si l’ap­pa­ri­tion de mala­dies liées aux types de rela­tions que nous entre­te­nons avec les ani­maux n’est évi­dem­ment pas inédite, peut-être cette crise sani­taire-ci amè­ne­ra-t-elle à les recon­si­dé­rer en pro­fon­deur, avance l’es­sayiste. Son der­nier ouvrage, Animal radi­cal, vient de paraître (du moins le sera-t-il vrai­ment lorsque les librai­ries rou­vri­ront). Sous-titré Histoire et socio­lo­gie de l’an­tis­pé­cisme, il donne à lire la diver­si­té sou­vent contra­dic­toire de ce mou­ve­ment phi­lo­so­phique et poli­tique. Fort d’une enquête conduite en France, au Canada et en Israël, il rap­pelle éga­le­ment ses racines his­to­riques au sein de la tra­di­tion socia­liste — et plus encore liber­taire —, avant même de s’être déployé sous le nom d’an­tis­pé­cisme dans les années 1970 via la gauche anglo­saxonne. Nous reve­nons avec lui sur le tableau qu’il brosse. (...)

Jusque dans les rangs anti­ca­pi­ta­listes, il existe des détrac­teurs de la cause ani­male par­ti­cu­liè­re­ment viru­lents. Jocelyne Porcher et Paul Ariès, par exemple, arguent que l’an­tis­pé­cisme est à ban­nir, car il serait extré­miste, et que le véga­nisme ferait le jeu du capi­ta­lisme mon­dia­li­sé…

D’abord, l’extrémisme méri­te­rait d’être défi­ni. Qu’est ce qui est « extré­miste » ? pen­ser qu’un porc, dont les capa­ci­tés cog­ni­tives sont supé­rieures à celle d’un chien, doit vivre l’intégralité de sa vie en enfer — sépa­ré de sa mère à la nais­sance, cas­tré à vif, les dents limées, la queue cou­pée, pas­sant sa vie dans un han­gar sur caille­bo­tis en n’apercevant la lumière du jour que lorsqu’il est conduit à l’abattoir — ou pen­ser qu’on peut très bien vivre en bonne san­té, à tous les âges de la vie, avec une ali­men­ta­tion végé­tale ? Être mino­ri­taire (les véganes sont moins d’1 % dans la popu­la­tion), ce n’est pas for­cé­ment être « extrême », même si on remet en cause une part pro­fonde de notre culture, concer­nant l’alimentation et les loi­sirs (plus de zoos ni de chasse, d’équitation ou de cor­ri­da). L’accusation d’extrémisme recoupe celle de radi­ca­li­té, sou­vent asso­ciée à tort à la vio­lence… (...)