
La planète est donc paralysée. « Le coronavirus à l’origine de l’actuelle pandémie provient indiscutablement de la consommation d’animaux », vient de rappeler un collectif essentiellement constitué de médecins. Jérôme Segal, historien et chercheur, a cosigné cette tribune.
Si l’apparition de maladies liées aux types de relations que nous entretenons avec les animaux n’est évidemment pas inédite, peut-être cette crise sanitaire-ci amènera-t-elle à les reconsidérer en profondeur, avance l’essayiste. Son dernier ouvrage, Animal radical, vient de paraître (du moins le sera-t-il vraiment lorsque les librairies rouvriront). Sous-titré Histoire et sociologie de l’antispécisme, il donne à lire la diversité souvent contradictoire de ce mouvement philosophique et politique. Fort d’une enquête conduite en France, au Canada et en Israël, il rappelle également ses racines historiques au sein de la tradition socialiste — et plus encore libertaire —, avant même de s’être déployé sous le nom d’antispécisme dans les années 1970 via la gauche anglosaxonne. Nous revenons avec lui sur le tableau qu’il brosse. (...)
Jusque dans les rangs anticapitalistes, il existe des détracteurs de la cause animale particulièrement virulents. Jocelyne Porcher et Paul Ariès, par exemple, arguent que l’antispécisme est à bannir, car il serait extrémiste, et que le véganisme ferait le jeu du capitalisme mondialisé…
D’abord, l’extrémisme mériterait d’être défini. Qu’est ce qui est « extrémiste » ? penser qu’un porc, dont les capacités cognitives sont supérieures à celle d’un chien, doit vivre l’intégralité de sa vie en enfer — séparé de sa mère à la naissance, castré à vif, les dents limées, la queue coupée, passant sa vie dans un hangar sur caillebotis en n’apercevant la lumière du jour que lorsqu’il est conduit à l’abattoir — ou penser qu’on peut très bien vivre en bonne santé, à tous les âges de la vie, avec une alimentation végétale ? Être minoritaire (les véganes sont moins d’1 % dans la population), ce n’est pas forcément être « extrême », même si on remet en cause une part profonde de notre culture, concernant l’alimentation et les loisirs (plus de zoos ni de chasse, d’équitation ou de corrida). L’accusation d’extrémisme recoupe celle de radicalité, souvent associée à tort à la violence… (...)