Bandeau
mcInform@ctions
Travail de fourmi, effet papillon...
Descriptif du site
Organisation nationale des éducateurs spécialisés
Investissement à impact social : l’Organisation nationale des éducateurs spécialisés (ONES) alerte sur les dérives graves de ce mode de financement d’origine anglo-saxon.
Article mis en ligne le 18 décembre 2016

La secrétaire d’État en charge de l’économie sociale et solidaire vient de lancer un appel à projet pour mettre en œuvre des « contrats à impact social ». Ce mode de financement représente un risque majeur pour le secteur social et le médico-social. C’est une dérive qui a de graves conséquences que l’ONES appelle à dénoncer et à refuser.

De quoi s’agit-il ?

Concrètement il s’agit de faire financer par des investisseurs privés des actions sociales relevant jusqu’alors du financement du secteur public (État, collectivités, établissements publics, etc ) . Les investisseurs privés (banques, épargnants, fonds de retraite, fonds « pétroliers », fonds de placements collectifs…) avancent les fonds et le retour sur investissement est conditionné par la réussite des objectifs fixés.
L’ « usager » n’est plus au centre du dispositif. C’est l’intermédiaire financier, le plus souvent une banque, qui coordonne et détermine avec les pouvoirs publics les objectifs et actions prioritaires, recrute les épargnants et émet sur les marchés des produits financiers. Puisque sa rémunération et la rémunération de l’ensemble des investisseurs privés dépendent de la réussite des actions menées, l’intermédiaire financier participe directement ou indirectement à l’appel d’offres et à la sélection de l’opérateur ( une association, entreprise etc…). Le financement de l’action de l’établissement ou du service retenu est alors conditionné au respect du cahier des charges et à l’évaluation des objectifs par un évaluateur indépendant qui en rend compte au secteur public (Etat, collectivités, établissement public…).

Si les objectifs sont atteints, tout le monde se rémunère : Intermédiaire financier, Investisseurs, Évaluateurs, Évaluateurs des évaluateurs etc.

L’opérateur social (association, entreprise…) devient un prestataire de services. (...)

Puisqu’il s’agit de financer le secteur social et médico-social par l’intervention d’investisseurs privés qui exigeront un juste retour sur investissement, comment ne pas croire que ces mêmes investisseurs se tourneront non vers la France mais vers la commission européenne pour invoquer le principe de subsidiarité afin que l’Europe prenne les mesures les plus efficaces et qui s’imposeront à la France dans le sens de leurs intérêts comme c’est le cas en Grande-Bretagne par exemple ?

Comment ne pas croire que la mise en place de ce dispositif est une porte ouverte à la financiarisation du secteur social et médico-social avec à terme comme objectifs des taux de rentabilité à atteindre entre 11 et 13% comme c’est le cas dans certains pays anglo-saxon.

Face au principe de libre circulation des capitaux qui est au cœur du marché unique européen et qui fixe les règles en la matière permettant aux citoyens et aux entreprises d’acheter des parts dans des entreprises, d’acquérir des biens, ou d’ en devenir propriétaires et d’investir là où le rendement est le meilleur, comment penser que l’argent investit sera pour eux un prêt à taux 0 ?.

Et quelle mesure le gouvernement de demain prendra-t-il lorsqu’il s’agit de toujours un peu plus réduire les dépenses sociales ?

Le leurre d’un financement facile.

Certaines grosses associations sont parties prenantes des impact social bonds car elles jouissent d’une place prépondérantes dues à l’importance des fonds publics qui leur sont attribués. En coulisses elles se croient suffisamment puissantes pour au mieux s’opposer au pire résister aux obligations de résultats et prérogatives des investisseurs et des banques. Elles pensent malgré tout maintenir une certaine maitrise du jeu.

Or, en acceptant ces nouvelles règles, elles acceptent de mettre sous tutelle leur projet fondateur. (...)

Un changement à grand risque.

Ces contrats à « impact social » constituent un changement de paradigme. Ils se situent dans la droite ligne de ce mouvement de financiarisation du travail social mais aussi à terme de la santé, de l’éducation, de la petite enfance et des services liés au grand âge. Évidemment les investisseurs privés se délectent car ils seront les premiers bénéficiaires. La notion d’intérêt général s’efface au profit du retour sur investissement.

En revanche, pour les usagers du secteur social et médico-social, la formation, la qualification et donc la qualité des interventions seront encore revue à la baisse. (...)

Pour être efficace, c’est à dire opérer des changements durables et importants dans la vie des personnes concernées, l’action des travailleurs sociaux nécessite une prise en compte de la globalité de la personne, de sa singularité, de ses éventuelles pathologies, de ses symptômes, de son histoire, de ses projets, de ses difficultés, de ses compétences, de son environnement, des actions déjà conduites, du contexte dans lequel elle vie, bref de sa complexité. Cette visée éthique légitime une prise en considération globale de la personne dépassant les seuls besoins exprimés et visibles.

À l’inverse, la logique de rentabilité soutenue par l’approche néolibérale suppose de ne se centrer que sur ce qui sera le plus rapidement réalisable, c’est à dire le plus évident à résoudre, notamment pour rentabiliser les investissements partant du postulat que tout changement est une plue-value quantifiable et donc chiffrable.
Dès lors, les formations généralistes que sont celles de l’éducateur spécialisé, de l’assistant de service social font obstacle et l’on comprend mieux qu’elles soient patiemment détricotées par les mêmes acteurs qui défendent ces contrats à impact social.
A terme, et plus globalement, ce dispositif organise un transfert du contrôle des politiques de solidarités. De l’État et des collectivités vers les investisseurs privés et les banques.
Allons-nous rester passifs devant pareille menace ?