
Le 22 août dernier, le régulateur des marchés financiers américains, la Securities and Exchange Commission (SEC), a marqué une étape décisive dans le mouvement mondial pour la transparence des secteurs pétrolier, minier et gazier en adoptant les règles nécessaires à l’entrée en vigueur de la loi Dodd-Frank.
Félix Delhomme, chargé de plaidoyer pour la transparence financière des entreprises, décrypte pour nous l’importance de cette décision.
(...) Aujourd’hui, 1,5 milliard de personnes vivent avec moins de 2 dollars par jour dans les pays riches en ressources naturelles. Pour ces populations, impossible de savoir où vont les sommes colossales générées par l’exploitation du pétrole, des minerais et du gaz. Trop souvent, une poignée de dirigeants corrompus préfèrent s’enrichir plutôt que de financer des services essentiels aux populations : éducation, santé… Certaines entreprises, soucieuses de ne pas perdre des marchés juteux, entrent dans ce cercle vicieux de la corruption qui entretient injustices et pauvreté.
Avec la loi Dodd-Frank et les règles d’application édictées par la SEC, les choses vont changer. Les entreprises pétrolières, gazières et minières cotées en bourse aux Etats-Unis devront, dès 2013, révéler les paiements qu’elles versent aux gouvernements de tous les pays dans lesquels elles opèrent. Concrètement, cela signifie qu’en quelques clics le grand public pourra savoir combien Total verse au gouvernement angolais, par exemple. Ils pourront ensuite, par comparaison avec les budgets de l’Etat, avec ceux d’autres pays, déterminer si ces montants sont "normaux" ou s’il y a raison de suspecter des cas de corruption.
Permettre aux citoyens d’accéder à ce type d’information, c’est leur donner le pouvoir de demander des comptes aux gouvernements et aux entreprises ! Pour être plus clair, l’étau se resserre sur les gouvernements et entreprises corrompus. (...)
C’est l’aboutissement de 10 ans de campagne de la plate-forme "Publiez ce que vous payez" pour plus de transparence ! D’autant plus que ces règles auraient dû être publiées il y a deux ans déjà, mais leur parution a été retardée. Deux ans pendant lesquels les pressions et obstructions exercées par le lobby pétrolier ont été assourdissantes. Oxfam s’est fortement mobilisé pour dénoncer de telles pressions et alerter le public.
Mais c’est aussi une victoire pour les investisseurs et les entreprises vertueuses. (...)
cette obligation de transparence s’applique à toute entreprise du secteur extractif dès lors qu’elle est cotée aux Etats-Unis, qu’elle soit américaine ou non. Cela signifie que des grands groupes européens, tels que Total, BP ou Shell, devront se plier à ces exigences de transparence. Selon le régulateur boursier américain, la loi s’impose à 1 100 entreprises, dont environ 90% des compagnies pétrolières internationales. (...)
D’autre part, cela préfigure de nouvelles règles dans d’autres pays, notamment en Europe. Les institutions européennes discutent depuis plusieurs mois de deux directives très proches de la loi Dodd-Frank. Le Parlement européen devrait se prononcer dès cet automne. Il ne peut ignorer le précédent américain, qui a donné le la (...)