Bandeau
mcInform@ctions
Travail de fourmi, effet papillon...
Descriptif du site
la Croix
Incendies en Algérie : le lynchage d’un activiste plonge le pays en Enfer
Article mis en ligne le 19 août 2021

Préférant masquer le sous-équipement du pays et leur incurie, les autorités ont dénoncé un complot derrière les incendies qui déciment le nord-est de l’Algérie. Elles sont accusées d’attiser la haine qui a conduit au tragique lynchage à mort d’un jeune activiste, Djamel Bensmail, le 11 août.

Les Algériens ont vécu un épisode terrifiant en pleine panique face aux incendies qui ravagent le nord-est de l’Algérie depuis le 9 août et qui ont fait 69 morts. Les images du lynchage à mort d’un jeune activiste de l’aide humanitaire par une foule délirante à Larbaa Nath Irathen, ville martyre du feu au sud-est de Tizi Ouzou en pleine Kabylie, ont fait le tour du pays. (...)

Djamel Bensmail, artiste et militant du Hirak, était venu tôt le mercredi 11 août de sa ville de Miliana, à 110 km à l’ouest d’Alger, pour aider ses « amis kabyles dans cette épreuve ». Il est même intervenu deux fois à l’antenne d’une télévision privée pour témoigner de la situation sur place. (...)

La victime interpelée dans des circonstances opaques

Des circonstances opaques ont fait qu’il s’est retrouvé, en fin d’après midi, dans un fourgon de police stationné à l’intérieur du commissariat principal de la ville, cerné par une foule appelant à sa mort, persuadée qu’il s’agissait d’un pyromane.

La suite, filmée par des dizaines de téléphones, a provoqué un traumatisme national. Le cadavre brulé du jeune militant a été laissé sur la place centrale jusqu’à une heure avancée de la nuit. Le choc a pris une tournure dangereuse à cause de son identité arabophone, de nombreux commentaires parlant de crime raciste « d’extrémistes séparatistes kabyles ».

Cette tragédie n’a cependant pas freiné l’immense élan de solidarité du pays envers la Kabylie. (...)

« Les paroles présidentielles font plus de dégâts que le feu »

Face aux incendies, les autorités algériennes, dépassées par les événements, accablées par la 3e vague de Covid, la pénurie d’oxygène dans les hôpitaux et la crise de l’eau, ont plaidé le complot. Aujourd’hui une majorité d’Algériens les accuse d’alimenter la haine et la division afin de fuir leurs responsabilités. (...)

Après avoir tergiversé 48 heures pour finalement accepter l’aide internationale, le président Abdelmadjid Tebboune a tenté de reprendre la main dans une ambiance de « fin du monde ». Son discours à la Nation le 12 août au soir, vindicatif et jamais apaisant, n’aura finalement réussi qu’à ajouter à la confusion. (...)

Il a surtout alimenté l’esprit complotiste qui a conduit au terrible lynchage de Larbaa Nath Irathen, affirmant, comme son ministre de l’intérieur dès le premier jour, que les incendies sont d’origine criminelle. Il a, pour étayer son propos, annoncé 22 interpellations de suspects pyromanes (dont dix en Kabylie). Il a contourné la question de la part de responsabilité de la police qui a « cédé » Djamel Bensmail aux lyncheurs, et a un promis un châtiment judiciaire à ces derniers. Sur les réseaux sociaux, une tendance s’est dégagée ces dernières 24 heures en faveur du boycott des prises de paroles présidentielles. « Elles font plus de dégâts que le feu », a commenté un utilisateur de Facebook.