
Ne pas croire ce que disent les patients est une attitude antiscientifique et contraire à l’éthique. C’est aussi une posture de classe.
Une internaute écrit : « Comment reconnaître les malades qui mentent de ceux qui sous-estiment leurs symptômes ? Apparemment, c’est un dilemme pour le corps médical… J’ai souffert de troubles cardiaques pendant des années avant qu’on ne me prenne au sérieux. »
Une autre me confie : « Je suis médecin, et parce que je suis médecin on m’a cataloguée comme hypocondriaque pendant des années avant de reconnaître que j’avais une endométriose. »
Une autre me raconte que lorsqu’elle s’est présentée à l’échographie demandée par son médecin pour une douleur très violente de l’abdomen, l’échographiste a dit : "Alors, vous nous faites du cinéma ?" Elle avait une péritonite aiguë.
Il y a aussi cette vidéo d’une jeune femme souffrant de maladie d’Ehlers-Danlos, et qui parle très bien de ce que lui ont fait subir les médecins qui ne la croyaient pas.
En France (et c’est très spécifique de ce pays), l’un des messages « subliminaux » les plus transmis aux étudiants en faculté de médecine est : « Surtout, faut pas croire tout ce que disent les patients. »
Cette injonction a des conséquences redoutables : si le médecin ne peut pas croire tout ce que dit un patient, que doit-il croire, alors ? La réponse, on la lui donne sous la forme de grilles diagnostiques : si les symptômes évoqués par le patient entrent dans les cases, alors on peut le croire. S’ils n’y entrent pas (ou s’ils ne semblent pas appartenir au diagnostic auquel le médecin croit le plus) alors, il ne faut pas le croire.
C’est aussi inepte et aussi terrible que ça. Et c’est d’autant plus terrible que cet apprentissage est subliminal, transmis par l’attitude, la contiguïté, l’émulation, et non dans les cours. C’est ce que les Anglo-Saxons nomment « the hidden curriculum » : l’enseignement par sous-entendus. (...)