
Atterré par l’idéologie économique ambiante, atterré par le chaos qui gagne en profondeur et en gravité toute l’Europe, excédé par les serial killers qui nous gouvernent, sidéré par le tournis dont sont saisis nombre de citoyens qui s’abandonnent à la moindre idée diffusée à la cantonade, je prends le risque de faire quelques propositions à la hache et de les soumettre à la discussion.
Tous les gouvernements européens sont en train de tuer la protection sociale. Le gouvernement français vient de donner un coup potentiellement mortel à la retraite par répartition, à la demande expresse de tous les financiers, spéculateurs, assureurs, patronats…
À peine la besogne est-elle accomplie que le serial killer tisse les fils de sa toile dans laquelle il prendra l’assurance maladie pour l’assassiner. Ne doutons pas que l’affaire sera rondement menée. Et selon un scénario connu : on tarit les ressources de la Sécurité sociale, on la met en déficit chronique et croissant, on la déclare incapable de répondre aux besoins, on limite la prise en charge de ces derniers abandonnés aux assureurs, qui guignent d’un œil vorace les centaines de milliards d’euros par an que constitue la protection sociale.
Les serial killers à la tête des États ne commettent pas leurs forfaits sans un réseau de complicités dont les fils s’étendent du monde de la finance – banques, institutions financières de toutes sortes et agences de notation – à celui de la presse bien-pensante, sans oublier la mafia des paradis fiscaux. Les pièges sont tendus. (...)
La finance a cru pourvoir shunter le passage par la case « travail productif » pour garantir une accumulation infinie. Marx avait montré que ce n’était pas possible et le miracle des petits pains ne s’est pas produit. Une à une, les bulles ont explosé. La montagne de dettes privées a été refilée à la collectivité. (...)
Puis vint la phase où les naufragés remis en selle se sont mis à mordre la main qui les avait sauvés. Avec une arrogance inimitable, des agences privées s’étant auto-désignées « de notation » ont distribué des triples A, des A– et des B+ pour évaluer les capacités des États à honore leur dette dite souveraine. La Grèce a été la première victime des serial killers financiers. À cette occasion, le citoyen éberlué a appris que l’on pouvait spéculer sur des obligations d’État sans en posséder, par le mécanisme des ventes à découvert : les credit default swaps assurent ce que vous n’avez pas et deviennent eux-mêmes l’objet de spéculation. La Grèce est passée sous les fourches caudines de la finance : 110 milliards d’euros lui ont été accordés à un taux de 5,8 %, deux fois plus élevé que celui que doivent payer les pays les mieux « classés ». L’obligation de réduire son déficit de moitié en cinq ans est vouée à l’échec dans un contexte de récession sciemment organisée.
Le cas de l’Irlande est lui aussi éloquent (...)
(...) face les marchés financiers gagnent, et pile, les populations perdent. (...)
Il arrive donc aujourd’hui aux États devenus structurellement emprunteurs par la faute du système financier ce qui était arrivé dans les années 1980 aux pays appelés encore à l’époque du tiers-monde : étranglés par l’endettement et des taux qui voltigeaient, ils avaient dû subir la double peine avec les ajustements structurels que le FMI et la BM leur infligeaient. Monsieur DSK connaît ses classiques. (...)
la proposition de Cantona surfe sur l’illusion que les banques prêtent ce que leurs clients ont préalablement déposé. Or c’est exactement l’inverse. C’est parce que les banques font crédit que des dépôts sont effectués. On pourrait même imaginer le scénario à la Cantona suivant : les banques distribuent tous les billets qu’elles détiennent aux épargnants qui font la queue devant ses guichets ; l’activité de prêt continue puisque les crédits sont accordés en monnaie scripturale et les emprunteurs règlent leurs achats et investissements en ordonnant des virements de compte à compte. Où serait la révolution de Cantona ?
S’emparer des banques
Détruire les banques revient à se tirer une balle dans le pied. En revanche, le temps est venu de s’en emparer radicalement. Cela signifie :
– la collectivisation-socialisation de tout le système bancaire à l’échelle européenne ;
– la reconnaissance officielle de ce qui est devenu la pratique incontournable : la possibilité d’achat par la BCE des bons du Trésor à taux zéro ;
– en d’autres termes, la réappropriation publique de la création monétaire ;
– l’interdiction des ventes à découvert.
Cette mise au pas du système bancaire et financier sera d’autant plus efficace qu’elle sera accompagnée :
– de la mise en place d’une taxation des transactions financières, à l’échelle européenne pour démarrer le processus ;
– du renforcement très important de la fiscalité sur les revenus financiers, en réintroduisant une forte progressivité afin de parvenir à un plafonnement des hauts revenus.
Annuler la dette publique qui est illégitime
S’agit-il d’une péripétie financière analogue à toutes celles que le capitalisme a connues dans le passé, suivies de récessions temporaires ? Ou bien s’agit-il d’une crise systémique à deux niveaux : une crise systémique parce que le régime d’accumulation financière développé depuis plus une bonne trentaine d’années est à bout de souffle, et une crise systémique parce que le capitalisme mondial rencontre une limite dont il avait cru s’affranchir jusqu’ici qui tient à la finitude de la planète et des ressources naturelles. (...)
la seule relance envisageable est celle qui irait vers les investissements de reconversion écologique de l’industrie et de l’agriculture et celle qui ferait le choix des services non marchands de qualité.
Un serial killer, ou bien où il continue de tuer avec une violence toujours croissante, ou bien on le coince.