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Hulot mécontent, ONG déçues : le bide des états généraux de l’alimentation
Article mis en ligne le 22 décembre 2017

Les états généraux de l’alimentation se sont clos jeudi 21 décembre. En l’absence de Nicolas Hulot, mécontent du résultat. Et avec la déception des ONG, des syndicats paysans, et de plusieurs élus, face aux médiocres annonces du Premier ministre Edouard Philippe.

La journée avait à peine commencée qu’un vent d’agitation soufflait dans les travées : Nicolas Hulot, encore annoncé la veille, ne viendrait pas prononcer le discours attendu. Quelques dizaines de minutes plus tard, c’était confirmé, les organisateurs de l’événement évoquant un « problème d’agenda ».

Jeudi 21 septembre se tenait donc à Paris la journée de clôture des États généraux de l’alimentation, lancés en juillet dernier. La scène a vu défiler ministres (de l’Agriculture, de la Santé) et acteurs de la filière depuis les agriculteurs jusqu’aux distributeurs. Ils faisaient le compte rendu de plusieurs mois de débats ayant réuni quelques centaines de participants. Les annonces concrètes du gouvernement étaient très attendues.

L’absence du ministre de la Transition écologique a fortement « inquiété » les associations environnementales. " Retirerait-il sa caution aux conclusions des États généraux ?" (...)

Après cet épisode, le discours de clôture du Premier Ministre Édouard Philippe était très attendu. Il n’a pas rassuré les ONG, réunies au sein de la Plateforme citoyenne pour une transition agricole et alimentaire.

Concernant l’environnement, M. Philippe a confirmé plusieurs mesures déjà connues : un objectif de 50 % d’aliments bio, locaux OU écologiques dans la restauration collective, la séparation du conseil et de la vente des pesticides, la hausse de la redevance sur la pollution diffuse (elle est appliquée aux produits phytosanitaires et reversée aux agences de l’eau), ou encore le lancement d’un « nouveau programme en faveur de l’agriculture biologique ». Il a également confirmé qu’un rapport sur les pesticides, établi par trois corps d’inspection de l’État, serait bientôt rendu et guiderait le gouvernement dans la sortie du glyphosate en trois ans et la baisse de l’utilisation des pesticides.

À peine l’allocution du ministre terminée, le WWF France a réagi dans un communiqué, évoquant sa « très forte déception » et les « grands oubliés, tels que l’eau, le changement climatique et le foncier. »

« Même des objectifs consensuels dans les ateliers ne sont pas repris par le gouvernement comme les 30 % de produits bio dans la restauration collective en 2022. Nous attendions des moyens législatifs, réglementaires, budgétaires et fiscaux et des plans d’action clairs pour sortir des pesticides, soutenir l’agriculture biologique ou lutter contre les contaminants chimiques et les perturbateurs endocriniens. Ces moyens ne sont pas au rendez-vous », poursuit l’ONG.

« Il y a beaucoup de bonnes idées mais sans objectifs »

Camille Dorioz, coordinateur du réseau agriculture de France Nature Environnement (FNE), n’a trouvé dans ces annonces « rien de surprenant », et même « un petit pas en arrière » sur l’agriculture biologique : il pensait que le gouvernement affirmerait l’objectif de 15 % de la Surface agricole utile en bio d’ici la fin du quinquennat. « Avec le lancement du plan bio, cela devient conditionnel », regrette-t-il. (...)

De son côté, Greenpeace a déploré l’absence d’ambition concernant le remplacement des protéines animales par des protéines végétales.

Surtout, les ONG estiment à l’unisson que la loi annoncée ne retranscrit pas les propositions issues du deuxième chantier des États généraux de l’alimentation, à savoir celui qui visait à mettre en cohérence l’agriculture avec les attentes des consommateurs, notamment en matière de santé et d’environnement.

« Le gouvernement n’est pas cohérent avec l’élan qu’il a suscité. » (...)

Autre sujet qui a mobilisé les associations, le bien être animal. Édouard Philippe a annoncé que le délit de maltraitance animale serait plus sévèrement puni, passant de 6 mois d’emprisonnement et 7.500 euros d’amende à 1 an et 15.000 euros d’amende, et qu’il serait élargi aux abattoirs et au transport d’animaux. Ce « n’est rien d’autre que la reprise partielle de la loi Falorni qui a été soutenue par le précédent gouvernement, voté à l’Assemblée Nationale en janvier dernier », a rappelé le CIWF France, estimant cette avancée « insuffisante ».

Ce n’est pas parce que les défenseurs de l’environnement se disent déçus que la FNSEA, principal syndicat agricole qui, notamment, souhaite éviter l’interdiction du glyphosate, se dit satisfait. Eric Thirouin, secrétaire général adjoint du syndicat, insiste sur les besoins « d’investissement dans l’innovation et la recherche » afin de trouver des alternatives au glyphosate et plus largement aux pesticides. (...)

Donner des moyens aux producteurs de peser dans les négociations commerciales
Reste à rappeler que des annonces ont aussi confirmé les pistes concernant le premier chantier des états généraux de l’alimentation, clôs à la mi-octobre par le Président de la République, qui visait à « relancer la création de valeur et assurer son équitable répartition, notamment pour permettre aux agriculteurs de vivre dignement de leur travail ».

Ainsi le projet de loi qui arrivera d’ici peu devant le conseil des ministres devrait comporter plusieurs mesures :

Un seuil de revente à perte de 10 % sur les denrées alimentaires -tout distributeur devra revendre un produit au moins 10 % plus cher que ce qu’il l’a acheté ;
Un encadrement des promotions dans les supermarchés : les rabais ne pourront pas représenter plus que 34 % de la valeur du produit et 25 % du volume d’un produit ;
Une inversion de la formation des prix : ce seront les producteurs ou leurs organisations qui proposeront les contrats aux acheteurs.

« Cela va dans le bon sens, mais il faudra être attentif à la rédaction des ordonnances », a commenté Eric Thirouin de la FNSEA. À la Confédération paysanne, autre syndicat agricole, on est plus dubitatif. « C’est bien mais il faut voir quels moyens on donne au producteur pour peser dans la négociation, précise son porte-parole Laurent Pinatel. Parce que sinon, si l’acheteur lui refuse son lait, le producteur sera quand même obligé de baisser son prix... Et puis il faut que les interprofessions et les organisations de producteurs, dont le rôle va être renforcé, soient transparentes et ouvertes à tous les syndicats agricoles. » (...)