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Non-Fiction
Histoire croisée d’une violence fondatrice
Article mis en ligne le 8 avril 2015
dernière modification le 2 avril 2015

Le matin du 30 avril 1871, plus de cent quarante Apaches, surtout des femmes et de jeunes enfants, furent massacrés, au fond d’un canyon d’Arizona, par une troupe civile et composite de Mexicains et d’Américains, appuyés par des Indiens O’odham. L’événement, sobrement raconté dans les premières pages de l’ouvrage, donne son titre à ce livre, publié en anglais en 2008, et qui a reçu en octobre 2014 le prix des Rendez-vous de l’histoire de Blois : les « ombres à l’aube », ce sont celles des Américains, postés sur les falaises du canyon pour tirer sur les Apaches, pendant que, au sol, les Mexicains et les O’odham fermaient la nasse.

Pour analyser cet événement, célèbre dans l’histoire américaine sous le nom de « Massacre de Camp Grant », l’auteur adopte une démarche passionnante en croisant les perspectives des différents groupes impliqués dans le massacre. Dans la première partie, intitulée « violence », l’auteur suit en effet un plan très simple et très efficace : quatre chapitres, s’attachant respectivement aux O’odham, aux Mexicains, aux Américains, et enfin aux Apaches. Chaque chapitre s’achève sur le massacre : il ne s’agit pas de raconter l’histoire, mais bien de s’inscrire dans la logique de chaque acteur pour montrer quel sens pouvait avoir ce massacre. Loin d’imposer un seul récit, l’auteur donne ainsi toute sa profondeur à l’événement en le montrant pluriel, diffracté, fragmenté.
(...)

Des Ombres à l’aube n’est pas un roman : c’est à la fois un très grand livre d’histoire, exemplaire tant dans le fond que dans la forme, et une belle réflexion, presque philosophique, sur la place de la violence dans les relations de pouvoir entre différentes communautés. Il vaut la peine de citer les derniers mots du livre : « ce que ce passé nous demande en retour, c’est le souci de raconter toutes nos histoires – nos récits les plus sombres comme nos récits les plus exaltants – et de prendre en compte ces histoires que la violence a pour toujours réduites au silence. Car, si nous n’assumons pas notre aptitude commune à l’inhumanité, comment pourrions-nous espérer jamais faire le récit de notre humanité commune ? »7. Traquer les ombres, pour mieux comprendre l’homme : le défi lancé par ce très bel ouvrage résonne aux oreilles du lecteur contemporain.