
La revue Le Débat s’est engouffrée dans la controverse issue de la publication du Danger sociologique de Gérald Bronner et Etienne Géhin en réunissant autour d’eux une palette de sociologues qui dénoncent l’emprise de la sociologique critique sur leur discipline. Le dossier, d’une taille modeste, en appelle à une neutralité scientifique face aux excès de la dénonciation du pouvoir et de la domination. Le journal Le Monde dans son édition du 24 novembre en a publié des extraits et donné l’occasion à Bernard Lahire, d’une part, et Luc Boltanski et Arnaud Esquerre, d’autre part, de répondre aux critiques qui leur étaient adressées (la réponse complète de ces derniers est parue sur Le Monde.fr ). Bernard Lahire pointait dans sa réponse l’absence de précision des propos, qui tombent parfois, écrit-il, dans l’absurdité, et réaffirmait son engagement en faveur d’une sociologie qui ne confonde pas, en effet, science et politique, mais ne s’interdise pas non plus d’examiner l’état des inégalités et des rapports de domination.
La critique d’une sociologie du dévoilement, qui trouve des soutiens au sein même de l’institution, s’intensifie, y notait-il, dans le cadre d’une droitisation du champ politique, et les positions défendues par les sociologues qui critiquent ainsi leurs collègues ne sont pas indemnes, comme il est aisé de s’en rendre compte, de toute dimension idéologique.
Luc Boltanski et Arnaud Esquerre y protestaient quant à eux, à la fois contre le fait de donner aux passages incriminés, détachés de leur contexte, une signification qui contredit l’orientation générale de leur livre, et contre la mauvaise manière qui consistait à les citer longuement, et presque exclusivement, sans les nommer, pour accoler à ces passages des qualificatifs visant à disqualifier leur travail.
Les excès de la sociologie de la domination, le lancement d’hypothèses de plus en plus extravagantes (mais que la rapidité des changements sociaux actuels explique peut-être) et, conjointement, le relâchement des exigences de validation appelleraient des discussions approfondies. Encore faudrait-il qu’elles puissent se tenir dans un climat serein. (...)
Au final, il n’est pas certain que ce dossier du Débat ait réellement beaucoup fait avancer la discussion. Certaines questions qu’il soulève auraient probablement dû trouver leur place dans des revues universitaires, et d’autres faire l’objet de véritables enquêtes sociologiques. Mais peut-être tout cela, lorsque la pression médiatique se sera un peu relâchée, finira-t-il ainsi.
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