
Êtes-vous entomophage, c’est à dire mangeurs d’insectes ? Deux milliards d’êtres humains consomment déjà régulièrement les petites bestioles rampantes ou à six pattes. En France, les préparations à base d’insectes pénètrent progressivement le marché intérieur, en dépit d’une législation assez peu favorable. L’élevage d’insectes est-il vraiment écologique ? Quels sont leurs avantages nutritifs comparés, notamment, à la viande rouge, dont la consommation baisse ? Basta ! est allé à la rencontre des rares industriels et éleveurs s’étant lancés, en France, dans cette production et vous en révèle les coulisses.
(...) C’est dans la banlieue proche de Toulouse, dans une petite zone industrielle aux bords de champs agricoles, que la société Micronutris est implantée depuis 2012. En temps normal, l’élevage d’insectes, qui serait le plus important en France, n’est jamais montré au public et aux journalistes qui doivent se contenter des salles d’exposition et de réunion. Les techniques industrielles sont bien gardées. Après avoir signé un cahier, revêtu une blouse, et chaussé des protèges-pieds, une visite express de la partie « élevage » donne un aperçu de cette exploitation agricole assez peu ordinaire. (...)
Une alimentation végétale et biologique à base d’invendus
Des millions de vers de farine et de grillons répartis dans des bacs, empilés les uns sur les autres. Environ une tonne d’insectes ! Dans une autre pièce, l’équivalent en protéines de 2000 steaks de bœuf. Au fond des bacs, les insectes mangent un mélange de farine, de carottes et de céréales. Une alimentation 100 % végétale, issue de l’agriculture biologique, d’origine française mais pas locale, à base notamment d’invendus de maraîchers. Les insectes s’abreuvent à partir d’un bloc d’eau gélifiée, afin d’éviter qu’ils fassent leurs déjections dans le liquide. « Dans ces pièces, les frottements et la respiration de ces insectes créent de la chaleur, précise Cédric Auriol, le dirigeant de l’entreprise. Il n’y a pas besoin de chauffage. »
Une fois arrivés à maturité, les insectes sont mis au jeûne afin de pouvoir vider leur tube digestif. Ébouillantés, ils sont ensuite déshydratés pour être conditionnés ou transformés en différents produits, de l’apéro aux pâtes et barres énergétiques à partir de poudre d’insectes. « Un cycle de production dure entre six et douze semaines », explique Cédric Auriol. L’entreprise possède un parc de reproducteurs à partir duquel elle collecte les œufs et assure ainsi le renouvellement de la production. Du contrôle des aliments des insectes jusqu’à leur conservation à basse température afin de garder les protéines, en passant par la traçabilité classique dans la filière agro-alimentaire, l’élevage d’insectes impose une grande rigueur. En cas de développement d’acariens, l’entreprise utilise du vinaigre blanc et des agrumes pour les traiter. (...)
Il faut compter dix kilos d’aliments pour produire sept kilos d’insectes. Avec la même quantité de nourriture, seul 1 kilo de viande de bœuf est produit. « C’est aussi cinquante fois moins d’eau que pour l’élevage d’une viande animale, et cent fois mois de gaz à effet de serre », précise Cédric Auriol [2]. L’entreprise travaille à l’élaboration d’un référentiel en vue d’une certification biologique de la production.(...)