
Avant de s’exprimer à l’Assemblée le 23 juillet, la lycéenne suédoise explique à « Libération » son choix de lancer une grève de l’école pour le climat et défend la nécessité d’agir rapidement.
Une assurance à toute épreuve face à l’objectif des appareils photo qui la mitraillent sans arrêt. En l’espace de huit mois, Greta Thunberg est devenue une star. De celles dont les interviews sont si difficiles à décrocher. De celles qui font s’arrêter les passants dans la rue pour demander un selfie. La Suédoise de seize ans, diagnostiquée jeune du syndrome d’Asperger, de trouble obsessionnel compulsif et de mutisme sélectif, fera, dans une semaine, le chemin inverse de nous et débarquera en France, pour recevoir à Caen le Prix Liberté, avant de s’exprimer devant l’Assemblée nationale le 23. Elle ne sait pas encore si le président français la rencontrera de nouveau.
Après un début sous les radars médiatiques, la mobilisation de la jeune fille, qui depuis août 2018 boycotte le lycée tous les vendredis pour exiger un futur viable sur cette planète, a connu en quelques mois un succès fulgurant. Début décembre, des marches pour le climat réunissent des dizaines de milliers de personnes à travers l’Europe. Quelques jours plus tard, la voilà à la tribune de la 24e conférence onusienne sur le changement climatique (COP24), à Katowice en Pologne, d’où elle prononce un discours cru, angoissant, sans répit pour les chefs d’Etat face à elle, qui fait rapidement le tour du monde. Trois mois plus tard, son nom est proposé par des députés norvégiens pour le prix Nobel de la Paix. La Suédoise de seize ans qui s’assoit face à nous sur la pelouse du Parlement suédois, n’a pas (encore) cédé aux sirènes de la célébrité. La maturité de ses discours a laissé beaucoup de sceptiques l’accuser d’être manipulée par ses parents, des ONG, des partis politiques, des lobbys occultes… Pourtant, il semble bien que ces émouvantes harangues soient le fruit de l’intellect de l’adolescente qui, face à nous, plisse les yeux, pause, argumente en réponse à nos questions, sans ce ton des rengaines apprises par cœur. Rare, la force des convictions de Greta Thunberg semble contagieuse. (...)
Aucun politique que j’ai pu rencontrer ne semblait avoir réalisé l’urgence de la situation. Ce n’est pas de leur faute. On ne peut pas reprocher cela aux individus. C’est le système qui est problématique. Bien sûr, il y a quelques personnes qui peuvent être tenues pour responsables et qui ont causé beaucoup de dégâts.
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Beaucoup de gens me disent que la COP 25, organisée au Chili en décembre, n’a pas d’intérêt, car c’est une année intermédiaire dans le processus onusien, qu’il faut se concentrer sur la COP 26 en 2020 [organisée au Royaume-Uni, ndlr]. Mais aucune année n’est une année intermédiaire. C’est maintenant que tout doit se passer. Nous devons saisir toutes les opportunités. (...)
nous sommes face à une crise existentielle qui n’a jamais été traitée comme telle. Les politiques et les personnes au pouvoir l’ont ignorée pendant des décennies. La population, en général, ne connaît même pas la réalité des bouleversements qui affectent notre planète, notre environnement dont dépend notre civilisation. Ils ne connaissent pas même les données de base. Ce qui est effrayant. (...)
on doit au moins essayer de faire connaître la vérité. On ne peut pas continuer à raconter seulement les histoires joyeuses et pleines d’espoir. Les médias, plus particulièrement, doivent commencer à couvrir réellement le sujet, à relayer les résultats des nombreux rapports scientifiques et leurs conclusions alarmantes. Tous ces chiffres que beaucoup de gens trouvent ennuyeux mais dont notre survie dépend. (...)
La partie la plus effrayante est qu’on ne sait pas ce qui va passer. Tout est possible. J’aime me reposer sur des routines, sur des emplois du temps. Je ne peux plus. Notre avenir est totalement inconnu. J’ai le sentiment de ne pas avoir le contrôle dessus.