
Les compte-rendus nationaux des manifs de gilets jaunes passent largement sous silence le mouvement lyonnais. Le traditionnel comptage des manifestants est en jeu, mais il y a bien plus : en l’absence d’enquête journalistique, c’est le Gouvernement qui a la main-mise sur l’information.
Lyon, vous connaissez ? La Métropole de Gérard Collomb, (ex ministre de l’intérieur) compte 1,4 millions d’habitants : c’est la troisième grande agglomération française derrière Paris et Marseille. Pourtant, en lisant chaque semaine les compte-rendus nationaux des « actes » des Gilets jaunes, force est de constater qu’elle se fait très discrète. Le mouvement y serait-il moins intense qu’ailleurs ? Non. (...)
Chiffres absents sept fois sur dix
Ce n’est pas tout : après un décompte pour les actes IV à XIII (en consultant méticuleusement la presse en ligne), il n’y a pas de trace d’une dépêche AFP dans quatre cas. Contacté, Alexandre Grobois assure : « On a toujours quelqu’un sur chaque manifestation de Lyon. Pas forcément pendant toute la manifestation, mais au moins sur une partie ». Il reconnaît cependant : « on ne fait pas toujours de dépêche ». Au total donc (et sauf erreur dans notre recensement), l’AFP n’a donné des chiffres que pour 3 actes sur 10 (les IV, V et VIII). Et encore : pour l’acte V, elle a avancé le chiffre d’une centaine (devant le palais de justice), quand ses confrères du Progrès ou de Lyon capitale donnaient un chiffre dix fois supérieur (pour l’ensemble de la manif). Dans les colonnes des journaux nationaux, ces lacunes participent à rendre le mouvement lyonnais quasi fantomatique. (...)
dans sa dépêche du 9 février, l’AFP explique que « la préfecture du Rhône a refusé de communiquer une estimation du nombre de manifestants » qui est (selon la novlangue désormais habituelle) « centralisée au niveau du ministère de l’Intérieur ». A l’AFP, Alexandre Grobois reconnaît : « c’est problématique car il est impossible de vérifier les chiffres donnés au niveau national. Vous imaginez le réseau qu’il faudrait pour arriver à les recouper ? ». Le chiffre des interpellations lui, n’est jamais « centralisé » : la préfecture en a dénombré 22, et l’AFP s’en fait écho. Qu’importe si, en pratique, le tiers d’entre elles n’est finalement pas poursuivi, et si seul un prévenu a été condamné pour violence : la violence justement est mise en avant-scène. (...)
Au final, c’est le site participatif et bénévole (un comble) Rebellyon.info qui assure le suivi le plus fidèle du mouvement, pendant les manifs, et depuis plusieurs semaines en comparution immédiate chaque lundi. Les gilets jaunes ont bien raison d’en vouloir aux médias : certaines rédactions ont des partis-pris très nets, et la plupart d’entre elles appartiennent désormais au monde du capital. Mais plus profondément, « l’actualité » apparaît incapable de rendre compte de ce mouvement social, comme de bien d’autres réalités du temps. (...)