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L’ Humanité
Georges CORM : « L’instrumentalisation du religieux, poison récurrent du Moyen-Orient »
Article mis en ligne le 10 juin 2012

Les peuples acteurs du printemps arabe se trouvent maintenant confrontés à une contre-révolution dans laquelle s’investissent le triptyque Arabie saoudite-Qatar, États-Unis-
Union européenne et les mouvances islamistes. C’est ce qu’explique Georges Corm, spécialiste de la région. L’économiste et historien libanais revient aussi sur la complexe situation syrienne.

(...) La Russie et la Chine estiment que le Moyen-Orient est un carrefour géographique et stratégique trop important – il représente le plus grand réservoir d’énergie du monde – pour qu’ils le laissent à une gestion exclusive des États-Unis et des membres de l’Otan. Ils ont donc décidé de miser le tout pour le tout pour saper l’unilatéralisme américain et européen au Moyen-Orient. En tout cas, ils ne veulent pas les laisser mettre la main sur l’ensemble de la région parce qu’on sait très bien, ici, que les mouvances de type Frères musulmans et fondamentalistes ont donné plus d’un signal aux gouvernements occidentaux sur le fait qu’ils n’étaient pas hostiles à l’Occident. Ils ne parlent pratiquement pas de la question palestinienne, de la souffrance des Palestiniens. Ils sont très souvent néolibéraux en matière de doctrine économique. Vous avez donc cette alliance qui est en train de se cimenter très fortement : Arabie saoudite-Qatar, États-Unis-Europe et forces islamiques diverses sur le terrain dans les pays qui ont connu des révolutions. Voilà où nous en sommes. (...)

Dans le cadre de la contre-réaction, on a une constellation qui est très claire : les pays du Conseil de coopération du Golfe (CCG), à la tête desquels se trouvent la très puissante Arabie saoudite et le très dynamique Qatar qui, brusquement, est partout. Cette coalition est composée de ces États qui financent très généreusement, depuis des décennies, toutes les mouvances de type fondamentaliste (salafistes, Frères musulmans…), qui vont les pousser à l’occasion des élections, en Tunisie puis en Égypte. Finalement, on assiste au rapt de ces deux révolutions. C’est d’ailleurs au moment de cette opération de contre-révolution que le Conseil de coopération du Golfe invite les deux autres monarchies arabes, la jordanienne et la marocaine, à devenir membres du CCG. C’est ainsi que, finalement, s’organise toute cette contre-réaction qui rassemble Arabie saoudite, Qatar, Frères musulmans, États-Unis et Europe, là pour confisquer les révolutions. On a d’ailleurs vu, au mois de mai 2011, le sommet du G8, qui s’est tenu à Deauville, consacrer une grande partie de ses délibérations à soi-disant appuyer les révoltes arabes. Ce sommet est passé assez inaperçu alors que tout le monde aurait dû lire attentivement le document du Fonds monétaire international (FMI) qui y a été soumis et approuvé. Il prévoit 30 milliards de dollars d’aide aux deux révolutions, égyptienne et tunisienne, lesquelles aides sont conditionnées, comme d’habitude, par encore plus de réformes de type néolibéral, c’est-à-dire les réformes mêmes qui ont fini par mettre les Égyptiens et les Tunisiens dans la rue ! (...)

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