
Dans sa Lettre à la Terre, Geneviève Azam récuse le traitement de la planète comme un objet à exploiter. Elle explique ici pourquoi elle a voulu s’engager plus personnellement dans la défense de notre demeure commune.
Économiste, membre d’Attac, enseignante, chroniqueuse à Politis, Geneviève Azam a troqué l’écriture à la troisième personne pour le « je ». Elle s’adresse à la Terre – et celle-ci lui répond. Par cet exercice, cet effort philosophique, historique, éthique et même poétique à l’ombre des catastrophes, mais aussi des résistances, elle tente d’atterrir et de « nous » faire atterrir. Selon elle, ce sont nos attachements qui nous engagent, et c’est donc en retrouvant les liens qui libèrent avec notre demeure commune que nous pourrons en prendre soin et refuser activement les destructions à l’œuvre et à venir. (...)
« Notre monde va disparaître par le feu », déclare un chaman brésilien dans mon livre_,_ évoquant pour sa part le feu nucléaire. On a connu l’an dernier des feux quasi impossibles à maîtriser en Californie et en Suède. Les canicules et feux de forêt ont certes toujours existé. Mais ils revêtent aujourd’hui un caractère systémique en s’étendant à l’ensemble de la planète. Pour la forêt amazonienne, la destruction n’est pas seulement le fait du président Bolsonaro, même s’il a une responsabilité criminelle dans l’amplification présente de la déforestation et des incendies au profit de l’agrobusiness. Si la responsabilité humaine est engagée, elle est différenciée. (...)
Nous ne pouvons plus regarder de manière extérieure ce qui est en train d’arriver : nous y sommes engagés physiquement, psychiquement et collectivement. Une des origines des catastrophes est justement la mise à distance de la Terre, qui depuis des siècles a fait de nous des étrangers sur son sol, des passagers colonisateurs amputés de leur sensibilité. Nous devons incarner notre présence sur la Terre, écouter ses alertes. Ce que font les activistes quand ils disent : « Nous sommes la nature qui se défend. » Cette lettre et l’usage du « je » expriment le retour à une condition de terrestre, que je n’ai pas toujours été. (...)
Nous appartenons à la communauté des vivants, humains et autres qu’humains. J’ai voulu traduire à la fois cette appartenance terrestre et la reconnaissance d’une extériorité qui invite à une quête éthique et esthétique et à une forme de reconnaissance du sacré.