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le Monde
Fukushima, un accident de civilisation
Article mis en ligne le 21 avril 2011
dernière modification le 16 avril 2011

Les médias en font-ils trop ? Ici ou là se lèvent quelques voix pour relativiser le désastre en cours dans la centrale de Fukushima 1. Certains rappellent quelques vérités de bon sens. D’abord, le nombre de décès directement imputables au dégagement de particules radioactives est, jusqu’à présent, nul. Quant aux dommages économiques, ils sont très limités - comparés à l’impact global du séisme et du tsunami du 11 mars -, même s’ils s’inscrivent dans la durée. Ensuite, force est de reconnaître que d’autres sources d’énergie sont bien plus dangereuses que l’atome.

Le charbon, par exemple. Plusieurs milliers de mineurs meurent chaque année dans les coups de grisou, sous les galeries effondrées ; les mines de houille à ciel ouvert ravagent les paysages, exproprient les paysans, étêtent les montagnes, consomment et détruisent les terres arables... Ce n’est bien sûr pas tout : une fois sorti de terre, le charbon aggrave le changement climatique en cours, dont l’inertie rendra irréversibles - aux échelles de temps humaines - les dégâts qu’il occasionnera sur l’ensemble de la biosphère et sur les sociétés... Pourtant, les voix sont rares qui demandent de "sortir du charbon", quand il n’est question que du désastre nucléaire japonais.

Malgré leur bon sens apparent, les tentatives d’objectiver la réelle portée de cette catastrophe sont hors de propos. Car ce qui se joue dans la centrale nippone n’est pas seulement un accident industriel de première grandeur. C’est, aussi, un accident de civilisation.

Depuis la fin du XIXe siècle, l’Occident s’est affirmé comme la civilisation techno-scientifique par excellence, proposant ou imposant au reste du monde un mode de développement fondé sur l’innovation technologique comme principal moteur de croissance économique. Parce que nous l’assimilons de manière univoque au progrès humain, le progrès technique prime sur toute autre considération - politique, sociale, morale -, exception faite, parfois, des situations dans lesquelles l’humain lui-même devient en quelque sorte un matériau expérimental (cellules souches, procréation assistée, etc.).(...)

Cette prééminence de la techno-science repose sur un contrat tacite : la promesse de domination de la nature et de maîtrise du monde.(...)

Dans la centrale japonaise, c’est la promesse de maîtrise du monde et de contrôle de la nature qui part en fumée.(...)
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