
En septembre dernier, un rapport sur les fonds vautours était présenté pour la première fois à l’ONU. Ce rapport élaboré par un Comité consultatif dont Jean Ziegler, ancien Rapporteur des Nations-Unies sur le droit à l’alimentation, est le vice-président, constitue une véritable mine d’informations sur la stratégie des fonds vautours, les profits qu’ils réalisent sur le dos des populations des Etats attaqués et sur les moyens qui sont à la portée des pouvoirs publics pour les combattre. (...)
Les fonds vautours, également connus sous l’appellation de « créanciers procéduriers » ou de « fonds rapaces », sont des entreprises financières souvent domiciliées dans les paradis fiscaux dont la stratégie est de racheter à très bas prix – principalement sur le marché secondaire (le marché d’ « occasion » des dettes) - des créances sur des Etats en difficultés financières pour ensuite réclamer le paiement à 100% de leur valeur faciale majorée d’intérêts, de pénalités et d’éventuels frais de justice. Pour y parvenir, « les fonds vautours peuvent recourir non seulement aux procédures judiciaires, mais aussi au lobbying et à d’autres moyens de pression, qui peuvent aller de la tentative de saisir les actifs de l’État débiteur à l’organisation de campagnes de presse visant à discréditer le gouvernement pour le forcer à payer ». (page 4)
Les profits qu’ils engrangent au terme de ce harcèlement sont exorbitants puisque « les taux de recouvrement des fonds vautours représentent en moyenne 3 à 20 fois leur investissement, ce qui équivaut à des rendements de 300% à 2000 % ». (page 5. f)
Sans surprise, ces profits qui proviennent d’une disproportion manifeste entre le prix de rachat et la somme dont le paiement est obtenu, sont réalisés au détriment des Etats visés et donc des populations. Le rapport étudie plusieurs cas de pays victimes de fonds vautours (...)
Fort heureusement, ce rapport ne se limite pas à décrire leur stratégie et leur impact néfaste sur les populations des Etats attaqués puisqu’il donne aussi plusieurs moyens d’actions concrets que les Etats pourraient mettre en oeuvre immédiatement comme (tout simplement) légiférer au niveau national contre les fonds vautours afin que leurs tribunaux ne leur donnent plus satisfaction.
Agir sur le terrain du droit en changeant « les règles du jeu », via l’adoption de lois, apparaît aujourd’hui comme une nécessité.
En effet, « les statistiques montrent que les procès intentés et les tentatives de saisie sont de plus en plus souvent considérés comme des procédures ordinaires pour régler les différends concernant la dette souveraine et impliquent, pour le pays défaillant, des actions en justice coûteuses et prolongées. Cette tendance est de plus en plus marquée depuis les années 1990 puisque la proportion des différends donnant lieu à une procédure judiciaire est passée de 10% à quasiment 50%. » (page 10. Point 29) (...)
Ce rapport arrive à un moment historique pour deux raisons majeures.
– Primo, cette loi belge est attaquée par l’un des plus puissants fonds vautours au niveau mondial, le fonds NML Capital appartenant au milliardaire Paul Singer, l’un des principaux donateurs du Parti Républicain aux Etats-Unis. Il est notamment celui qui a attaqué avec succès l’Argentine et il demande aujourd’hui à la Cour constitutionnelle belge d’annuler cette loi, démontrant ainsi l’efficacité du dispositif adopté en Belgique contre les fonds vautours.
- Secundo, la conjoncture est marquée par des difficultés croissantes de remboursement des dettes souveraines (en Afrique principalement qui est, par ailleurs, le continent le plus harcelé avec en moyenne huit actions en justice intentées par an contre des Etats africains). Devant le risque de défaut de paiement de plusieurs pays, les créanciers actuels de ces Etats pourraient être tentés de se débarrasser de leurs créances, que les vautours pourront alors racheter à des prix très inférieurs à leurs valeurs nominales. (...)
Comme le rappelle le rapport Ziegler, l’obligation qui incombe à l’État de garantir l’exercice des droits économiques et sociaux prime sur ses obligations au titre du service de sa dette. De nombreux autres textes disent la même chose mais sans être encore suivis d’effet concret puisque les gouvernements continuent de donner la priorité au paiement des dettes. (...)
Les populations n’ont pas le temps d’attendre qu’un cadre international de restructuration des dettes souveraines sous l’égide des Nations-Unies voie le jour, d’autant que les principaux Etats créanciers, le FMI et la Banque mondiale s’emploient depuis des années à le faire échouer. Utilisons dès maintenant les outils juridiques qui sont déjà à notre disposition comme le droit de suspendre et d’auditer les dettes pour remettre en cause toutes celles qui ont été contractées contre l’intérêt des populations.