
L’Etat français va-t-il devoir mettre la main au portefeuille pour indemniser les personnes transgenres, dont la stérilisation était obligatoire pour obtenir un changement d’état civil jusqu’en 2016 ?
C’est en tout cas l’une des revendications du collectif inter-associatif ExisTransInter, à l’origine d’une marche annuelle pour les droits des personnes trans et intersexes, qui a réuni plusieurs centaines de personnes samedi à Paris. Pour les organisateurs, cette « stérilisation forcée » constitue une « violence d’Etat », qui devrait entraîner l’ouverture d’un fonds d’indemnisation et la reconnaissance des torts. Depuis la loi de modernisation de la justice du XXIe siècle, adoptée en novembre 2016, fournir des certificats médicaux n’est plus obligatoire pour pouvoir faire changer son état civil.
« Ce qui implique que jusqu’à 2016, les personnes trans étaient face à un dilemme : changer d’état civil ou pouvoir avoir un enfant. Des générations ont dû faire le deuil d’une vie de famille », s’insurge Jena Pham-Selle, militante et créatrice du podcast Nos voix trans, pour qui cette disposition est révélatrice « de tout un système », qu’elle compare à « une forme d’eugénisme transphobe de l’Etat ». Samedi, les manifestants ont aussi réclamé « l’autonomie en termes de droits sexuels et reproductifs » et l’accès à la procréation médicalement assistée (PMA), tentant de faire advenir dans le débat public la question longtemps restée taboue de la parentalité des personnes transgenres, alors qu’a lieu ce mardi la journée mondiale contre l’homophobie et la transphobie. (...)
une femme transgenre, a enfin obtenu d’être reconnue par la cour d’appel de Toulouse comme la mère de sa fille, conçue naturellement avec son épouse, après son changement d’état civil, alors qu’elle disposait d’organes génitaux masculins. Il aura fallu pour cette première en France endurer plus de huit ans de bataille judiciaire, signe de la somme d’obstacles administratifs, légaux et sociétaux auxquels doivent faire face nombre de concernés dans leurs parcours parentaux (...)
Ni la loi de 2016 sur le changement d’état civil, ni la loi de bioéthique de 2021 n’ont véritablement réglé la question. Si depuis juin 2021, les couples de femmes ayant recours à la PMA avec donneur peuvent faire établir la filiation de la mère n’ayant pas accouché par le biais d’une reconnaissance anticipée devant notaire, « pourquoi devoir passer par une procédure judiciaire dans le cas d’un couple de femmes, dont l’une est transgenre, alors même qu’il s’agit d’une procréation charnelle ? » questionne Me Clélia Richard, qui y voit le signe « de résistances à la parentalité trans, qui peine à être reconnue dans sa traduction à l’état civil ». (...)
« Nous avons le droit d’être parents »
C’est aussi ce que réclame l’Association des parents gays et lesbiens, qui a créé il y a un peu plus d’un an une commission dédiée aux parentalités trans. Cléo Carastro, qui la préside, estime être entrée en contact avec près de 300 familles, engluées dans des difficultés de reconnaissance de leur filiation, ou en questionnement face à un projet parental accompagné d’un « vide juridique » qui les plonge dans l’incertitude. Qu’en est-il par exemple des hommes trans qui auraient eu un enfant avant leur transition, pour lequel ils sont inscrits comme « mère » à l’état civil, mais qui s’apprêteraient à accoucher d’un autre enfant ? L’état civil les reconnaîtra-t-il dans leur genre ? Et si oui, le premier état civil pourra-t-il être modifié sans heurts pour harmoniser ? A quels notaires, quels soignants, quels conseils juridiques s’adresser pour être sûr d’être reçu de manière respectueuse ? Et tout bonnement, comment procéder pour procréer en tant qu’homme trans, en couple avec une femme, puisque le législateur a exclu ce public de l’accès à la PMA dès 2019, malgré des amendements déposés en ce sens ? (...)