
Le Cuba de Castro, culturel, artistique, scientifique, brille un million de fois plus fort que le Cuba de Batista, et à sa façon Obama a fini par le reconnaître.
Il était impossible de construire le socialisme à Cuba dans une île de 9 millions d’habitants. Encore moins qu’en Russie, dans un grand pays de 150 millions d’habitants isolé et arriéré des années 20.
Mais dans les deux cas, il était possible et nécessaire d’y faire la révolution et d’abattre les tyrans. Que ce soit l’infâme Nicolas II ou l’odieux et médiocre Batista.
Les deux révolutions ont connu une vie comparable mais jusque là très différente.
Car c’est toujours par le début qu’il faut commencer quand on tente de faire un bilan.
Qui a eu le courage, la volonté, la détermination de se lever et de combattre la tyrannie, la barbarie ?
Qui s’est levé, qui a gagné la majorité, qui a pris les armes, qui a osé gagner le pouvoir contre le despotisme ? C’est la première et seule question, la plus décisive. (...)
Il n’y a jamais eu de socialisme ni de communisme en URSS, la contre-révolution y a triomphé et la bureaucratie a dévoré cruellement les révolutionnaires : il était minuit dans le 20ème siècle quand Staline a liquidé 99% des bolcheviks, le goulag les a broyés, le système a écrasé tous les espoirs socialistes révolutionnaires de 1917.
Cuba a, en partie, échappé à cela.
Fulgencio Batista, ce n’était pas le tsar. Seulement un médiocre et rapace sergent conspirateur, qui a tyrannisé Cuba de 1933 à 1959, par intrigues, complots, coups d’état, en lien avec les gouvernement US et la mafia. Il a pillé et affamé le pays, par le jeu, la prostitution et la drogue, devenu plaque tournante de la mafia, avec les "parrains" Meyer Lansky et Lucky Luciano. Par la torture et les assassinats, on lui attribue 20.000 morts dans une île de 6 millions d’habitants (selon une estimation américaine citée par John Kennedy lui-même).
Alors oui, bravo aux jeunes gens courageux qui se soulevèrent avec Fidel Castro contre cette dictature barbouze le 26 juillet 1953, tentant de prendre d’assaut la caserne de Moncada. Oui et bravo à ceux qui récidivèrent en décembre 1956, menèrent la guérilla puis la grève générale et prirent le pouvoir le 1er janvier 1959 (à voir, les beaux films "Habana" de Sydney Pollack et "Soy Cuba" de Mikhail Kalatozov).
Il faut, même 60 ans après, les applaudir, tous, inconditionnellement, pour leur héroïsme.
Leur guérilla fut magnifique, leur victoire justifiée, le soutien du peuple fut complet et que nul ne vienne pleurer sur les tortionnaires et barbouzes qui périrent en tentant de les empêcher d’arriver à La Havane.
Mais, 40 ans après les bolcheviks, le nouveau pouvoir vainqueur mais tâtonnant de Fidel Castro a été confronté, dès l’été 1960, aux éternelles menaces de contre-révolution, de chantage, de blocus. (...)
Les castristes résistèrent à l’invasion de la Baie des Cochons, durent renoncer aux missiles russes, mais souffrirent de la guerre économique impitoyable qui leur fut livrée.
Le reste de l’histoire du régime de Fidel Castro se comprend ainsi : ils vont batailler 50 ans pour sortir du blocus, des actions militaires US et des attentats, sabotages permanents émanant des terroristes ex-suppôts de Batista exilés à Miami (...)
Ils ont seulement survécu tant bien que mal en donnant remarquablement la priorité à l’éducation, à la santé, à la culture, à la lutte contre la pauvreté, tout ce qu’une dictature barbouze n’aurait jamais fait. 99,91% de la population est éduquée. (...)
Cuba est demeuré une île de sans-culottes qui ont évité aussi bien Napoléon que Staline. La longévité de Fidel n’en fait pas seulement un "géant du 20ème siècle" comme certains disent un peu platement, il est bien plus : il est la butte témoin de la résistance, celle qui s’accroche à l’espoir universel, qui défend jusqu’au bout une révolution contre vents et marées, contre ceux qui veulent l’éradiquer. Ce n’est pas un modèle, c’est une praxis enfermée, limitée, bloquée, dans le combat de tout un siècle, entre la barbarie capitaliste réelle et un si difficile, si fragile, si vulnérable, si nécessaire espoir socialiste. (...)