Bandeau
mcInform@ctions
Travail de fourmi, effet papillon...
Descriptif du site
Les Nouvelles News
Face aux violences sexistes et sexuelles, passons à l’action !
Par Romain Sabathier
Article mis en ligne le 25 novembre 2017
dernière modification le 24 novembre 2017

À l’échelle locale comme à l’étranger, des exemples efficaces de lutte contre les violences machistes existent. L’État doit mettre les moyens pour s’en inspirer, explique Romain Sabathier, ancien Secrétaire général du Haut Conseil à l’Égalité entre les femmes et les hommes. TRIBUNE.

Les femmes parlent, mais les entend-on vraiment ? Une des difficultés majeures est d’assumer que toute organisation est touchée par le sexisme plutôt que de rester dans l’illusion du « Pas ici, pas chez nous, pas autour de moi ». Alors que 80% des femmes déclarent être régulièrement confrontées à du sexisme au travail1, que 1 sur 5 a déjà connu du harcèlement sexuel au travail2, ou que plus de 1 200 femmes ont été assassinées par leur conjoint ou ex-conjoint ces 10 dernières années en France3, qu’est ce que cela dit de notre action ou inaction, collective jusqu’à présent ? (...)

Prenons nos responsabilités et passons à l’action : du gouvernement aux employeurs publics ou privés, en passant par les managers, les collègues, les familles. Et bonne nouvelle, c’est possible ! Les ressources existent et des organisations ont déjà ouvert la voie.

L’exemple de Strasbourg montre que le changement est possible

La Ville de Strasbourg, par exemple, s’est mise en ordre de bataille : après une campagne exemplaire et efficace en 2016 pour libérer la parole sur le sexisme au sein de ses quelques 7 000 employé·e·s et élu·e·s, la collectivité a mis en place une cellule d’écoute et formalisé une procédure à destination des victimes pour savoir quoi faire face à une situation de sexisme, avant de lancer en 2017 un cycle de formation à destination des agent·e·s et encadrant·e·s. Plus de 120 personnes ont déjà été formées et il est envisagé que des formations mensuelles soient proposées pour inscrire cette dynamique dans la durée.

Les résultats ? La tolérance au sexisme diminue et, personne après personne, on gagne du terrain pour que la honte et la peur passent du côté des agresseurs et non des victimes, et pour que ces dernières soient soutenues dans leur démarches pour se reconstruire et pour que la justice s’applique. L’exemple de Strasbourg montre qu’à partir de volonté politique, et du travail méthodique et déterminé déployé par la mission “Droits des femmes et égalité de genre” (deux personnes) et ses allié·e·s en interne, le changement est possible !

Changer d’échelle

Au niveau national, le gouvernement a une responsabilité énorme : celle d’assurer la sécurité des Français… et des Françaises. Beaucoup de choses ont été faites ces dernières années. Mais il faut changer d’échelle si l’on veut que les lois s’appliquent vraiment. L’État délègue beaucoup aux associations féministes. Mais la réalité aujourd’hui est qu’elles étouffent, faute de moyens.

L’Association européenne contre les Violences faites aux Femmes au Travail (AVFT) par exemple, qui reste 32 ans après sa création la seule association en France spécialisée dans la défense des victimes de violences sexuelles dans le cadre du travail, s’appuie sur une équipe de… 5 personnes.

La France a par ailleurs des engagements internationaux, notamment vis-à-vis de la Convention d’Istanbul du Conseil de l’Europe, ratifiée en 2014. (...)

Un centre d’urgence, le CAUVA, existe à Bordeaux pour éviter aux victimes un parcours médical et judiciaire fastidieux et améliorer le recueil des preuves, pourquoi ne pas s’en inspirer pour généraliser de tels centres partout en France ?

L’égalité femmes/hommes n’est jamais une priorité budgétaire

Pourquoi aussi ne pas suivre une des recommandations formulées par le HCE dans son rapport d’évaluation 2016 de la politique contre les violences faites aux femmes en France, consistant à organiser une campagne nationale de testing auprès des commissariats et gendarmeries pour évaluer l’accueil réservé aux femmes venant déclarer des violences ? Cela permettrait, à partir du juste état des lieux, d’améliorer la formation des professionnel·le·s de police/gendarmerie et d’augmenter le nombre de « référent·e·s violences » dans les commissariats, gendarmeries et tribunaux.

La réponse, nous la connaissons malheureusement trop bien : l’égalité femmes/hommes n’est jamais une priorité budgétaire et l’époque est au démembrement de l’État et au détricotage de ses services publics. (...)

En juillet dernier, au même moment où en France les associations se battaient pour conserver leurs subventions déjà insuffisantes, de l’autre côté des Pyrénées l’ensemble des partis politiques signaient un pacte historique contre les violences sexistes et sexuelles. Et savez-vous le budget débloqué pour ce pacte ? Un milliard d’euros sur cinq ans, soit 200 millions par an. En France, le budget annuel annoncé pour le 5ème plan contre les violences est de 40 millions par an, soit 5 fois moins qu’en Espagne alors que nous sommes vingt millions d’habitant·e·s en plus ! (...)

l’État français risque à nouveau d’être condamné comme il l’a été en 2014 pour « faute lourde » suite au meurtre d’une femme victime de violences conjugales qui avait alerté la gendarmerie du harcèlement et des menaces répétées de son ancien compagnon. Le Tribunal de Grande Instance de Paris a alors condamné l’État à verser près de 150 000 euros de dommages et intérêts à la fille de la victime et aux autres membres de sa famille. Et en 2018, l’application par la France de la Convention d’Istanbul sera évaluée par un comité d’expert·e·s indépendant.e.s du Conseil de l’Europe, le Grevio. La France aura des comptes à rendre.