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Slate.fr
Face aux violences médicales, la montée d’une médecine communautaire
Article mis en ligne le 27 février 2017

« Pas de CMU », « Pas d’AME ». Sur les sites de prise de rendez vous en ligne Doctolib ou Monrdv, certain médecins ne cachent plus leur refus de soigner les patients les plus précaires. Une quarantaine d’associations de patients ont saisi le défenseur des droits le 10 janvier, dénonçant une pratique massive et de plus en plus décomplexée, alors qu’elle est illégale. Mauvaise pub pour une profession déjà épinglée quelques semaines auparavant pour son racisme et son homophobie.

Sur la page Facebook Les médecins ne sont pas des pigeons, un groupe réunissant plus de 30.000 personnes créé au début du quinquennat de Hollande, on pouvait lire fin janvier ce témoignage raciste niveau Michel Leeb écrit par un médecin :

« La zolidarité n’a pas de limite ! (...)

La diversité dans le collimateur

Déshabillage intempestif, frottis systématiques et peu délicats, fat shaming, remarques sexistes-paternalistes-graveleuses-moralisatrices, refus de contraception, pression nataliste, viol… Durant les deux dernières années, la parole s’est libérée à propos des violences gynécologiques, via le hashtag #PayeTonUtérus qui a permis à de nombreuses femmes de partager leurs expériences. Puis des articles (là et là ou là) ont suivi, ainsi qu’un excellent documentaire sur France Culture pour exposer la violence de certains praticiens. (...)

« Il existe en France des médecins maltraitants et pas que des gynécologues », reconnaît Martin Winckler, médecin et auteur de Les Brutes en Blanc, qui explore les dérives d’une médecine parfois trop hierarchisée. « La suprématie totale du médecin dans le système de santé Français est source d’abus de pouvoir ».

Et comme on peut l’imaginer, ces abus de pouvoir frappent en premier lieu les personnes les plus démunies, ou jugées différentes par le corps médical. (...)

Un racisme médical qui a déjà été pointé à de nombreuses reprises aux Etats-Unis où des études ont montré que les médecins blanc avaient tendance a sous estimer la douleur des noirs. (...)

Les ravages de la « médecine vétérinaire »

Et quand ce n’est pas la couleur de peau qui pose problème, c’est la langue. « Face à un patient non francophone, les soignants ont la possibilité de faire appel à un service de traduction par téléphone, explique Dorothée Prud’hommes. Mais avec la course à la rentabilité imposée par les récentes réformes hospitalière, beaucoup de professionnels font le choix de s’en passer pour gagner du temps. Certains m’ont raconté comment ils étaient devenus experts en mime, même si on voit mal comment demander à une femme à quand remontent ses dernières règles juste avec les mains ».

Et la pratique est devenue si courante qu’elle porte un nom : « entre eux, ils appellent ça la médecine vétérinaire », raconte la chercheuse qui tempère la violence du terme :

« Je pense que l’usage de l’expression est bien plus une critique désabusée de leur propre condition d’exercice qu’un mépris pour les patients qu’ils reçoivent ». (...)

Le mépris, c’est pourtant bien ce que ressentent les personnes trans qui sont obligées de passer par la case docteur si elles décident de faire un parcours médicalisé pour leur transition. (...)

Médecine communautaire

Pour éviter ce genre de consultations catastrophe, les asso, comme OUTrans, tentent comme elles peuvent de lister des médecins bienveillants. « Même s’il nous arrive d’envoyer vers des praticiens en précisant que leur approche n’est pas parfaite, mais qu’ils sont au moins de bonne volonté ».

Pour les gynéco, c’est le collectif Gyn&co qui s’y colle, en listant des soignants qui ne vont pas vous expliquer ce que vous devez faire avec votre utérus ou vous culpabiliser parce que vous avez envie de porter un stérilet alors que vous n’avez pas d’enfants. Une démarche qui s’est peu à peu élargie à d’autres requêtes comme celles de praticiens lesbian-friendly, toxico-friendly, hijab-friendly, homoparentalité-friendly, handicap-friendly… laissant entrevoir l’étendue de la détresse médicale de certains patients à la recherche d’une médecine à leur écoute.

Un accès à une santé sur mesure qui s’incarne dans la médecine communautaire, qu’on peut considérer comme une surspécialisation fondée non pas sur un type de pathologie, mais sur un public particulier. C’est le cas du « 190 », premier centre de santé sexuelle ouvert en France en 2009 à Paris, présenté dans un premier temps comme un centre de santé gay, mais qui s’adresse « à toutes celles et tous ceux dont l’identité, l’orientation et les pratiques sexuelles pourraient générer une stigmatisation dans le système de soins ». Une devise qui appelle naturellement une relation basée sur l’écoute et la confiance. (...)

C’est sur ce genre d’interrogations que s’est ouvert le centre de santé IPSO à Paris en 2014. Un vaste cabinet médical qui respire l’écoute et la bienveillance. « Si le lieu est aussi bien, c’est parce qu’il n’a pas été pensé par des médecins », explique Hervé Picard, généraliste, qui a rejoint l’équipe de 16 soignants en 2015. « L’informatique, la prise en charge administrative, la conception des lieux ont été confiés à des gens dont c’est le métier, du coup j’ai réellement 20 minutes avec chaque patient pour faire de la médecine, sans être parasités par des histoires de carte vitale ou de règlement. Et faire de la médecine générale, c’est aussi être sensibilisé aux questions de violences, de discrimination, parce qu’être ou avoir été victime de violence ça fout la santé en l’air. Voilà pourquoi nous demandons à tous nos patients s’ils ont été victimes de maltraitances et que nous expliquons pourquoi nous posons la question ». (...)

Démocratie sanitaire

« On va timidement vers une plus forte humanisation des soins, mais le chemin à parcourir est immense », constate Eve Bureau, anthropologue spécialiste de la relation médecin-patient : « il faut couper avec le modèle paternaliste, l’autorité de la personne qui sait et qui ne se remet pas en cause ».

Une forteresse de mandarins, que l’épidémie de sida avait commencé à ébranler, quand les malades et leur entourage se sont mobilisés pour reprendre le contrôle sur leur destin. Le mouvement se poursuit aujourd’hui avec la démocratie sanitaire ou démocratie en santé. (...)

C’est dans cet esprit qu’a été crée en 2009 l’université des patients : un cursus universitaire pour former des malades, et en faire des experts capable de guider les patients dans le dédale des soins. « Jusqu’ici c’étaient beaucoup des retraités qui assuraient des permanences dans les hôpitaux pour aider les malades à s’y retrouver. Notre volonté, c’est de professionnaliser la représentation des usagers parce que l’enjeu est de taille si on veut changer les rapports de force » (...)

Une révolution qui risque de se heurter à la pression économique de plus en plus forte dans les milieux médicaux (...)