Bandeau
mcInform@ctions
Travail de fourmi, effet papillon...
Descriptif du site
Basta !
Face au Covid, l’efficacité des réseaux autogérés de soignants, plus réactifs que le gouvernement
Article mis en ligne le 15 novembre 2020

L’implication des soignants du secteur libéral – généralistes, infirmières ou pharmaciennes – a été très forte pendant la première vague de l’épidémie de Covid. Dans certains quartiers, des collectifs habitués à travailler ensemble ont été très réactifs et ont sauvé de nombreuses vies tout en préservant l’hôpital. Ils regrettent que les institutions ne les prennent pas vraiment en compte pendant cette deuxième vague.

On les appelle les soignants « de ville », pour les différencier de ceux et celles qui exercent à l’hôpital, même s’ils travaillent parfois en milieu rural. Moins médiatisés que leurs collègues hospitaliers, ces soignants ont également été très mobilisés pour faire face à la première vague de l’épidémie de Covid-19 ; médecins généralistes et infirmières en tête. Organisés en collectifs formels et informels, ils ont tout fait pour réduire l’afflux de patients vers l’hôpital et ont, eux aussi, sauvé des vies.

Suivre des patients chez eux, pour épargner l’hôpital

Les soignants du 20ème arrondissement de Paris estiment à une centaine le nombre de morts évitées par leur auto-organisation pendant la première vague de l’épidémie. Comment ? En limitant l’exposition au Covid-19 de patients fragiles et très âgés grâce à des tournées spéciales d’infirmières à leurs domiciles. (...)

Pour organiser ces tournées spéciales d’infirmières et de médecins généralistes, ces soignants se sont appuyés sur leur communauté professionnelle territoriale de santé (CPTS). Expérimentées sur le terrain depuis une quinzaine d’années, et formalisées par la loi du 26 janvier 2016 de modernisation de notre système de santé, les CPTS réunissent des médecins, infirmières, sages-femmes, kinésiologues ou podologues qui décident de se regrouper pour partager leur savoirs et mutualiser leurs moyens. Il en existe plusieurs centaines en France, certaines très actives, d’autres moins. (...)

Passer d’une médecine de catastrophe à une gestion plus organisée

Tout cela a évidemment fait exploser le compteur des heures travaillées, qu’elles soient rémunérées ou non. « Nous avons fait trois fois nos horaires habituels », calcule Sophie Dubois, qui est payée pour ses missions de coordinatrice, et a parfois travaillé sept jours sur sept au plus fort de l’épidémie. Des milliers d’heures de travail, surtout du côté de la coordination, n’ont pas été payées, et ne le seront sans doute jamais.

Pour la CPTS du 20ème de Paris, ce travail invisible est « un scandale que l’on peut chiffrer à plusieurs dizaines de milliers d’euros ». Dans leur analyse de cette première vague, les soignants « de ville » insistent sur le fait qu’ils ne pourront pas s’engager à une telle hauteur pour la deuxième vague qui a débuté en octobre. D’autant que certains d’entre eux ont payé un lourd tribut lors du premier pic de contamination : 20 % des médecins et 40 % des infirmières sont tombés malades dès les premières semaines. (...)

Un fonctionnement institutionnel trop vertical

Nombre de soignants déplorent les discours très anxiogènes des autorités qui suscitent beaucoup de peur et de méfiance, et ont tendance à décourager les gens d’aller chez le médecin. Cet automne, comme au printemps, les retards de soins chroniques risquent de s’accumuler, posant d’importants problèmes sanitaires. « Les patients ne viennent plus chez nous, et refusent également d’aller à l’hôpital » , s’inquiète un généraliste.

Par ailleurs, un point de blocage important demeure côté financements. (...)

Plus qu’un manque de confiance, Claire Beltramo évoque un manque d’habitude. « Les agences régionales de santé sont des institutions très verticales. Elles ne savent pas travailler autrement. Il faut qu’elles donnent davantage d’autonomie au terrain, pour simplifier notre organisation collective. C’est compliqué de toujours attendre des financements pour lancer des actions. » Le risque c’est que les gens s’épuisent, et se démotivent, avertissent les soignants. Cet épuisement risquerait de porter préjudice à une dynamique qui a fait preuve d’une grande pertinence en temps de crise.

« Les CPTS ont été dynamisées par cette crise, se félicite Claire Beltramo. Les liens entre professionnels de santé se sont renforcés. Il y a eu beaucoup de solidarité. L’ingéniosité pour répondre aux difficultés a été énorme. Ceux et celles qui portent les CPTS croient que le jeu collectif peut apporter quelque chose que le travail individuel n’offre pas. » Autant de forces sur lesquelles pourrait s’appuyer le gouvernement pour avoir un système de soins plus solide. Encore faut-il qu’il écoute.