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Face à l’offensive réactionnaire : « L’histoire, ce n’est en aucun cas la contemplation béate d’un passé révolu »
Article mis en ligne le 22 septembre 2016
dernière modification le 21 septembre 2016

Lors de chaque campagne électorale, le sujet revient dans le débat : l’histoire serait mal enseignée à l’école. Il faudrait revenir à un grand « récit national », avec ses rois, ses « grands hommes » et ses grands mythes, sous prétexte d’imposer aux élèves une certaine identité de la France.

(...) Face à cette instrumentalisation, que peuvent les professeurs d’histoire pour éviter, devant leurs élèves, de devenir de vulgaires propagandistes. Entretien avec Véronique Servat, professeur d’histoire-géo en collège. (...)

La création d’un ministère avec cet intitulé avait, à l’époque, poussé à la démission une partie de l’équipe d’historiens du nouveau musée de l’immigration qui s’apprêtait à ouvrir. Cela recommence aujourd’hui. Les questions identitaires sont sans arrêt remises sur le devant de la scène. Et pas seulement par Sarkozy : d’autres candidats à la primaire des Républicains comme François Fillon ou Bruno Lemaire, et de crypto-experts font la promotion du « récit national » [2].

Ces gens n’ont absolument aucune connaissance de ce que signifie enseigner l’histoire aujourd’hui. Il se calent sur leur propre expérience de cette matière qui date d’il y a quarante ou cinquante ans, lorsqu’ils étaient élèves. Chez eux, on retrouve ce vieux mythe du récit national, d’une histoire réconfortante et apaisante. Ce sont des personnes qui font de la notion d’identité leur fonds de commerce.

Ce dont ils parlent n’a rien à voir avec notre exercice professionnel, en tant qu’enseignant ou universitaire, ni avec le travail d’historien. (...)

La plupart d’entre eux ne savent pas qu’un professeur d’histoire fait réfléchir ses élèves à ce qu’est qu’une source historique, ce qu’est un point de vue, comment on les confronte, comment on critique un document. L’histoire, c’est un questionnement, c’est une problématisation des sources et des points de vue. Ce n’est en aucun cas une contemplation béate d’un passé révolu (...)

Lors des dernières réécritures des programmes, de nouvelles thématiques ont été intégrées, comme l’esclavage, qui est une question mondialisée. La thématique relative à l’histoire de l’immigration sur le long vingtième siècle avait également été introduite, mais est finalement passée à l’as. Dans la dernière élaboration des programmes, on a clairement constaté une volonté d’ouverture, de décentrage, dans une tentative de rompre avec cette éternel eurocentrisme voir franco-centrisme qui irrigue traditionnellement les programmes d’histoire. (...)

Notre enseignement subit à la fois le poids des finalités politiques et identitaires, des finalités civiques. Le pouvoir pense que nous fabriquons des citoyens en trois heures en enseignant les Lumières ! Tout cela en plus des nécessités de l’évaluation. Après, entre la prise de décision politique et ce qui se fait dans les classes, il y a toujours une marge de manœuvre. Les enseignants sont experts de la discipline. Quand les politiques cèdent à la réaction, nous, dans nos classes, nous trouvons le chemin qui permet de réintroduire du social et de l’histoire par le bas. Une fois la porte de la classe fermée, il y a toujours moyen de faire non pas un « roman national de gauche », ou quoi que ce soit de la sorte, mais quelque chose qui a du sens. Faire de l’histoire et enseigner l’histoire, ce n’est pas réciter une leçon.