
Le géant français du luxe Kering a subi un redressement d’au moins 210 millions d’euros en France pour son énorme montage d’évasion fiscale suisse. Mais Kering et son PDG François-Henri Pinault ont été bien traités par le fisc et la justice, alors même que le patron de la filiale Gucci a été condamné à six mois de prison avec sursis en Italie.
Cela aurait dû rester secret. Le géant du luxe Kering, contrôlé par le milliardaire François-Henri Pinault, a été contraint de sortir son carnet de chèques pour solder le volet français de son système d’évasion fiscale, le plus vaste jamais mis au jour pour une entreprise française, révélé en 2018 par Mediapart et le réseau de médias d’investigation EIC.
En 2020, Kering a dû payer à l’État français un redressement fiscal d’au moins 210 millions d’euros au sujet de ses filiales Yves Saint Laurent et Balenciaga, selon des informations de Mediapart, partagées avec l’EIC et Il Fatto Quotidiano.
Les deux sociétés, emblématiques du luxe à la française, ont inscrit cette charge fiscale dans leurs comptes officiels, publiés au registre du commerce. Selon plusieurs sources au fait du dossier, le montant payé est supérieur à celui qui apparaît dans les comptes.
Contacté par Mediapart, le groupe Kering confirme que le redressement fiscal a été « clôturé », mais refuse d’en donner le montant. À l’opposé des valeurs de « transparence » et de responsabilité sociale et environnementale vantées par le groupe dans sa communication officielle. (...)
Pendant près de vingt ans, François Pinault et depuis 2005 son fils François-Henri, qui possèdent 41 % de Kering et représentent la cinquième fortune de France (41 milliards d’euros selon Challenges), ont opéré un énorme montage d’évasion fiscale en Suisse, en localisant la majorité des profits de Kering dans une société baptisée LGI, installée près de Lugano, dans le canton italophone du Tessin. (...)
L’évasion fiscale s’est révélée au final rentable pour les Pinault : à ce jour, le montant cumulé des redressements italiens et français est inférieur à celui des impôts éludés par Kering. « Cette affaire montre que les multinationales n’ont pas intérêt à payer leurs impôts », dit en souriant un avocat fiscaliste à qui nous avons soumis nos documents.
Les autorités françaises se sont montrées clémentes avec les Pinault, qui ont bénéficié d’une importante ristourne et n’ont pas été poursuivis au pénal. (...)
L’évasion fiscale s’est révélée au final rentable pour les Pinault : à ce jour, le montant cumulé des redressements italiens et français est inférieur à celui des impôts éludés par Kering. « Cette affaire montre que les multinationales n’ont pas intérêt à payer leurs impôts », dit en souriant un avocat fiscaliste à qui nous avons soumis nos documents.
Les autorités françaises se sont montrées clémentes avec les Pinault, qui ont bénéficié d’une importante ristourne et n’ont pas été poursuivis au pénal. (...)
Le groupe des Pinault est loin d’être le seul. Mais les noms, les montants et les ristournes sont protégés par le secret fiscal. Seuls une poignée de bénéficiaires ont été révélés par la presse, comme Amazon, L’Oréal et Google. L’affaire d’évasion fiscale massive du géant californien de la tech reste un traumatisme pour Bercy, qui a perdu le contentieux administratif jusqu’en appel. Et a été contraint, dans la foulée, d’accorder un règlement d’ensemble.
Un rapport sur cette pratique, réalisé en 2020 par Bercy pour l’Assemblée nationale, et révélé par Dalloz Actualité, apporte des informations édifiantes. L’administration n’indique pas le cadre juridique des règlements d’ensemble, contrairement aux autres procédures. Le fisc n’a pas pu fournir la totalité des cas, n’en donnant que les principaux.
En 2019, 116 règlements d’ensemble ont été conclus dans des cas de fraude, et 94 % des montants concernent les entreprises. Cette année-là, le fisc a renoncé à 1,12 milliard d’euros d’impôts, plus 514 millions de pénalités, soit un total de 1,6 milliard. La totalité n’est probablement pas récupérable. Mais alors que les fonds publics manquent, la légitimité de ces ristournes pose question.
Vous les payez, vous, vos amendes ?
Parce que quand Pinault (5e fortune, 3 milliards de bénéfices nets cette année) s'évade en Suisse, Bercy lui fait une grosse ristourne sur la sienne. Mais à part ça, les citoyens sont égaux en droit...
— François Ruffin (@Francois_Ruffin) February 27, 2022