Le 7 janvier 2015, les frères Kouachi ont semé la terreur, faisant onze morts à Charlie Hebdo et une douzième victime, un policier, boulevard Richard-Lenoir dans le XIe arrondissement de Paris.
Il est 11 heures, 33 minutes et 47 secondes. Au deuxième étage de l’immeuble de bureaux situé au 10, rue Nicolas-Appert dans le XIe arrondissement de Paris, une porte blindée s’ouvre. Apparaît, dans l’entrebâillement, un sac à main. Derrière ce sac à main, Corinne Rey, dite « Coco ». Derrière Coco, une silhouette massive.
La dessinatrice est poussée à l’intérieur du bureau faisant office de hall d’entrée, où s’entassent des exemplaires de Charlie Hebdo. Dans le sillage de Coco, la silhouette se précise. Près d’un mètre quatre-vingts revêtu de noir, de la tête encagoulée aux pieds chaussés de Rangers. Un gilet tactique complète le tableau. La panoplie commando des forces d’intervention…
Mais l’homme masqué n’arbore pas de brassard « POLICE » à la manche. Surtout, il a en main un fusil d’assaut, dont le chargeur incurvé et le cylindre de récupération des gaz sont caractéristiques de la Kalachnikov. L’individu épaule son arme de guerre et marche en direction de Simon Fieschi.
Dans un renfoncement face à la porte d’entrée, le webmaster chargé de gérer le tombereau d’insultes adressées à la rédaction sur les réseaux sociaux est assis à son bureau, devant ses deux ordinateurs. Il entraperçoit sur le pas de la porte un second encagoulé. Lui aussi habillé de sombre, à l’exception d’un baudrier de couleur marron, rempli de chargeurs de Kalachnikov, qui lui ceinture le torse. La main droite sur la queue de détente de son fusil-mitrailleur, il pointe le canon en direction du sol. Maître de lui.
Les deux hommes n’ont jamais perdu leur calme. Même quand, quelques minutes plus tôt, ils se trompent d’adresse à trois reprises – ils pénètrent d’abord au 6, allée Verte, puis dans le bon immeuble, celui du 6-10, rue Nicolas-Appert, mais par la mauvaise entrée, celle qui dessert le 6. Là, ils braquent successivement les employés de deux entreprises situées au troisième étage, posant à chaque fois la même question – « Où est Charlie Hebdo ? » –, tirant un coup de feu pour accélérer la réponse dans les locaux de la seconde, avant de repartir en courant une fois leur erreur réalisée.
Dehors, l’un d’entre eux se présente à la loge du gardien, située sous un porche à l’extérieur du bâtiment, où s’affairent trois hommes.
« CHARLIE ?!
— … »
L’encagoulé fait feu. L’un des trois hommes s’agenouille : « On est de la maintenance !
— C’est où, Charlie Hebdo ?
— On ne sait pas, on vient d’arriver. On est de la maintenance ! »
L’encagoulé repart, répétant pour lui-même : « C’est où, Charlie Hebdo ?! » Dans la loge, le chef d’équipe de la Sodexo se retourne vers ses collègues et découvre l’un d’eux, Frédéric Boisseau, 42 ans, allongé dans une flaque de sang. L’agent qui, quelques instants auparavant, s’affairait sur l’ordinateur pour encoder les badges d’accès à l’immeuble implore désormais : « Je suis touché… Je vais crever… Appelle ma femme ! » (...)