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Courrier International
Eric Toussaint : « Il faut annuler les dettes illégitimes »
Article mis en ligne le 4 août 2011
dernière modification le 3 août 2011

Economiste, président de la section belge du Comité pour l’annulation de la dette du tiers monde (CADTM), Eric Toussaint a intégré la commission d’audit de la dette mise sur pied par le président équatorien Rafael Correa, à la suite de laquelle l’Equateur a décidé d’annuler une partie de sa dette jugée illégitime. Il livre son analyse de la crise qui frappe aujourd’hui plusieurs pays européens.

les dettes publiques dans toute une série de pays (Etats-Unis, Irlande, Grande-Bretagne, Belgique, Portugal) ont fortement augmenté après les plans de sauvetage des banques privées. Cela a coûté beaucoup d’argent et, pour financer ces plans de sauvetage massifs, ces Etats empruntent sur les marchés et donc leur dette augmente. Mais ce n’est pas la seule cause. L’autre cause est la récession économique qui diminue les recettes des Etats et qui les oblige à multiplier aussi les recours à l’emprunt.(...)

C’est aussi l’aboutissement de politiques qui ont été appliquées avant cette crise financière de 2007-2008. Ce sont ces vingt ans de politiques fiscales néolibérales qui ont consisté à réduire radicalement les impôts payés par les sociétés privées sur leurs bénéfices, en particulier les grandes sociétés ; et en cadeaux faits aux ménages les plus riches (la classe capitaliste) qui paient moins d’impôts, que ce soit sur leur patrimoine ou sur leurs revenus. Et comme cette partie-là de la société a moins contribué à l’impôt, on a bien sûr augmenté les impôts sur les autres couches de la société (les travailleurs) et on a augmenté les taxes comme la TVA. Mais il a fallu aussi pendant ces vingt années-là, puisqu’on réduisait la charge fiscale sur les riches, combler le trou par un recours à l’emprunt. Donc la dette publique a aussi augmenté ces vingt dernières années à la suite des réformes fiscales néolibérales.(...)

les gouvernants sont face à l’alternative suivante : soit ils prennent un virage de rupture avec le néolibéralisme et ils adoptent des mesures pour faire contribuer la classe capitaliste, les entreprises ; ils imposent une nouvelle discipline aux marchés financiers et ils prennent des mesures pour créer des emplois. Visiblement, les gouvernements actuels ne vont pas vers cette option. Soit ils profitent de la crise pour appliquer, comme dirait Naomi Klein, la « stratégie du choc » et pour approfondir encore plus les politiques néolibérales.(...)

Que faire face à la corruption des capitalistes locaux et de la classe politique locale ? La réponse est un audit de la dette, qui commence par un audit citoyen permettant de montrer à la population que la dette n’est pas une sorte de mal incompréhensible qui s’abat sur le pays mais le résultat de politiques délibérées et parfaitement injustes. Les dettes contractées dans le cadre d’actes de corruption sont frappées d’illégitimité, voire d’illégalité. Elles doivent être annulées. (...)

On est pour le moment à un virage de l’histoire et les mois et les années à venir nous diront si des rébellions comme celles des indignés en Espagne ou en Grèce accumuleront des forces et déboucheront sur des changements qui dépasseront simplement les urnes. Je n’affirme pas que cela va avoir lieu, je dis que c’est une possibilité qui est ouverte, qu’il ne faut pas écarter. Les mouvements sociaux et les personnes qui veulent un changement réel fortement doivent soutenir ces mobilisations.
(...) Wikio