
Bien évidemment, un tel public aurait été inadapté à la solennité et l’importance de l’évènement. Les apprentis qui fréquentent habituellement les lieux, un atelier de réparation automobile du Campus des métiers de Bobigny, avaient été fermement tenus à l’écart par les agents de sécurité qui avaient pour consigne « de ne pas faire entrer des jeunes de l’établissement ». La déclaration de candidature d’Emmanuel Macron ne pouvait souffrir une proximité trop immédiate avec la classe ouvrière, et notamment avec celle issue des banlieues. L’image du présidentiable en aurait été probablement altérée. L’exaltation du travail et de la jeunesse certes, mais sans promiscuité indécente !
Car le jeune Macron, qui s’est donc affranchi de toute primaire et d’un parrainage de parti, est avant tout le représentant de la finance et du patronat. Les banquiers et industriels ne sont pas là mais, pour paraphraser le candidat, cette mise en scène symbolique est bien destinée à servir, au final, « leur théâtre d’ombre ». Le MEDEF disposera assurément de puissants relais lors de cette campagne présidentielle, notamment avec le vainqueur de « la primaire de la droite et du centre », mais l’ancien ministre de l’économie est probablement l’homme politique qui aura le plus œuvré ces dernières années pour le bien être des entreprises. La loi qui porte son nom a ouvert la voie - élargie et prolongée depuis par la loi El Khomri - vers le rétablissement du travail-corvée et d’un monde où, libérée de règlementations étatiques contraignantes et décourageantes, l’entreprise pourra à nouveau disposer librement de ses salariés et décider souverainement d’une juste répartition de la richesse produite entre le travail et le capital. Cet « homme neuf » est en marche vers le XIXème siècle et sa doctrine peut se résumer à la célèbre formule de François Guizot « Enrichissez-vous. . . ».
« Enrichissez-vous » quand tant d’autres s’appauvrissent et quand le vivant se meurt reste encore le seul véritable mot d’ordre des libéraux et des tenants du capitalisme financier. Les grandes entreprises américaines viennent d’adresser une supplique au futur locataire de la Maison blanche afin qu’il comprenne les véritables enjeux économiques qui se cachent derrière l’application des accords de Paris. Donald Trump et les élus du Congrès doivent « soutenir les investissements en faveur d’une économie bas-carbone aux États-Unis et à l’étranger, afin de donner plus de clarté aux décideurs financiers et de renforcer la confiance des investisseurs dans le monde ». La gigantesque manne verte de la transition écologique et de ses solutions technologiques ne peut rester hors de portée de main de transnationales comme Du Pont, Hewlett Packard, Unilever ou Schneider Electric. Pourquoi rester à l’écart d’une telle source de profit ? S’enrichir en sauvant la planète est sans doute le rêve de tout jeune capitaliste moderne.
Il faut désormais remuer ciel et terre pour mettre en place cette nouvelle économie, ratisser notre sous-sol pour en extraire les métaux rares indispensables au développement du numérique, couvrir nos champs de panneaux solaires, envelopper nos plaines et nos montagnes de forêts d’éoliennes. Et bientôt le soleil, le vent, la mer pourront nous fournir une énergie propre.
Le défi est immense et la COP 22 qui vient de se terminer à Marrakech a été le royaume du business (Lire ici la déclaration d’ATTAC/CADTM Maroc) . L’économie libérale a absorbé l’écologie, les entreprises nous proposent déjà des tas de solutions pour consommer en protégeant l’environnement. Les capitalistes ont devant eux un monde merveilleux de croissance déculpabilisée. Macron est le représentant de ce monde-là qui susurre à l’oreille de tous les jeunes ambitieux : « Enrichissez-vous sur le dos des travailleurs et de la nature et rêvez de devenir milliardaire ! »