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IRIN - nouvelles et analyses humanitaires
En eaux troubles
La traversée de la Méditerranée devient encore plus dangereuse pour les migrants
Article mis en ligne le 3 septembre 2016

« J’avais très peur quand on était en mer. L’embarcation était surchargée. Je pouvais à peine bouger. J’avais peur de mourir, mais j’avais encore plus peur d’être arrêté par la police libyenne ».

Ali*, un Ghanéen de 21 ans, a fait le point avec les journalistes d’IRIN peu de temps après avoir débarqué d’un navire de recherche et de sauvetage à Catane, en Sicile.

« Quand vous montez dans le bateau, les trafiquants vous disent que vous arriverez en Italie trois heures plus tard », a-t-il dit, avant d’ajouter que, le lendemain matin, quand ils ont été secourus, leur embarcation ne se trouvait qu’à 12 milles nautiques des côtes libyennes.

Ali a survécu, mais trois de ses amis, qui ont tenté la traversée avant lui, sont morts. Ils figurent parmi les 2 726 migrants qui ont perdu la vie en Méditerranée, entre l’Afrique du Nord et l’Italie, cette année, selon l’Organisation internationale pour les migrations (OIM).

Les efforts de recherche et de sauvetage déployés en Méditerranée centrale ont été accrus au cours des deux dernières années et ils ont permis de sauver d’innombrables vies. Pour la seule journée de dimanche, les garde-côtes italiens ont secouru 1 100 migrants répartis sur 11 embarcations. Mais, au cours du premier semestre 2016, le nombre de migrants morts ou disparus en tentant la traversée de la Méditerranée a augmenté de 67 pour cent par rapport à la même période en 2015, selon les chiffres rendus publics la semaine dernière dans un rapport de l’OIM (...)

ce n’est pas parce que la route de la Méditerranée centrale est plus longue qu’elle est plus dangereuse. Selon les experts, les passeurs déploient des stratégies de plus en plus extrêmes pour maximiser leurs profits. (...)

La Libye reste la principale porte d’entrée en Méditerranée centrale, et les responsables libyens affirment que la grave crise de liquidités que connait le pays encourage d’autres personnes à s’engager dans le commerce du passage clandestin de migrants. (...)

« Il n’y a pas de travail, pas d’argent dans les banques, et les jeunes savent qu’ils peuvent gagner de l’argent facilement en effectuant ce type de travail ».

Le haut responsable a expliqué que les personnes ordinaires qui disposent d’un garage vide, d’une ferme ou d’une maison près du littoral commencent à les utiliser comme local d’accueil pour les migrants qui attendent des conditions de mer favorables.

« Il y a des passeurs tout le long du littoral occidental, de Tripoli à Zouara, et, dès que la mer sera calme, ils transfèreront les migrants des locaux d’accueil vers la mer », a-t-il expliqué. (...)

« Le trajet, qui coûtait environ 1 000 dollars auparavant, ne coûte plus que 200 dollars ou 300 dollars, et nous avons entendu dire que les nouveaux passeurs demandaient à peine 100 dollars par personne », a dit à IRIN le haut responsable.

« Il y a tellement de migrants qui attendent de partir que souvent les passeurs font souvent partir cinq ou dix bateaux simultanément à partir d’un même point de départ, contre un ou deux auparavant ».

La pratique qui consiste à mettre à l’eau plusieurs embarcations en même temps complique les efforts de recherche et de sauvetage et a contribué à la hausse des décès cette année, selon le rapport de l’OIM. (...)

Non seulement il y a plus de bateaux mis à la mer en même temps, mais le nombre de passagers augmente.

« Ils sont passés de 100 [personnes] sur les bateaux pneumatiques à 150 ou 160. Sur les bateaux en bois, d’environ 450 à 550 [avant] à 550 jusqu’à 800 aujourd’hui », a dit Peter Sweetnam, responsable de Station d’assistance offshore pour les migrants (MOAS), une ONG basée à Malte qui utilise deux navires de recherche et de sauvetage en Méditerranée. (...)

« En général, les gens ne portent pas de gilet de secours et, souvent, les bateaux pneumatiques se dégonflent quand il y a tant de personnes à bord », a ajouté M. Sweetnam.

Les passeurs ont commencé à utiliser des bateaux pneumatiques l’année dernière, lorsqu’ils n’ont plus eu de bateaux de pêcheurs en bois. (...)

L’opération Sophia, lancée l’année dernière par l’Union européenne (UE) dans le but de perturber les réseaux de passeurs, a permis la destruction de bateaux en bois lors d’une opération de sauvetage afin que les passeurs ne puissent pas les récupérer et les réutiliser. Mais les trafiquants ont simplement commencé à utiliser des bateaux pneumatiques moins chers qui, selon le haut responsable, sont importés illégalement depuis la Tunisie.

« Ces bateaux sont conçus pour le transport de dix personnes au maximum, mais, en général, les passeurs font monter de 100 à 120 personnes dans chaque bateau », a-t-il dit. « Ils ne se soucient pas de ce qui va leur arriver en mer. Ils pensent uniquement à l’argent ».
Prêts à tout pour partir

Malgré les risques, la demande de services des passeurs est restée élevée, en partie parce que beaucoup de gens attendent avec impatience de fuir le chaos qui règne en Libye. (...)

L’OIM vient de lancer une campagne qui donne la parole aux migrants arrivés en Europe pour mettre en garde les futurs migrants contre les dangers qu’ils risquent de rencontrer en Libye et les évènements qui peuvent se produire pendant la traversée (...)