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Mediapart
En Tunisie, la mort d’une fillette retrouvée échouée sur une plage suscite l’indifférence générale
#migrants #Tunisie #noyade
Article mis en ligne le 20 février 2023
dernière modification le 19 février 2023

Le corps d’une enfant a été retrouvé sur une île de l’archipel des Kerkennah, au large de Sfax, en décembre dernier, dans la même position que le petit Aylan Kurdi en 2015. Mais contrairement à lui, sa photo n’a pas fait le tour du monde ni engendré la moindre réaction politique. Un silence qui en dit long sur la banalisation des naufrages en mer.

Son corps sans vie a été retrouvé échoué sur une plage, le 24 décembre dernier, vêtu d’un blouson rose bonbon et d’un collant. Âgée d’environ 3 ans, la fillette reposait sur le ventre, face contre terre. Les îles de Kerkennah, au large de Sfax, en Tunisie, ont été les tristes témoins de l’ignominie qui se déroule en Méditerranée chaque jour : les naufrages qui s’enchaînent à la pelle ; ceux que l’on connaît, parce qu’ils laissent des traces derrière eux, et ceux dont on n’a pas connaissance, qualifiés d’« invisibles », pour lesquels aucune embarcation ni dépouille n’est jamais retrouvée.

Mais cette fois, il y a une photo. L’enfant a été découvert sur la plage de Sidi Founkhal au petit matin, par un habitant de Sfax, originaire des Kerkennah, qui a décidé d’immortaliser l’horreur produite par nos politiques migratoires.

Retrouvé par Mediapart, Boulbeba Bougacha, âgé de 20 ans, raconte avoir voulu « changer d’air » en allant déjeuner avec ses proches sur la plage, aux alentours de 13 heures, le 24 décembre. « On l’a trouvée là, allongée sur le ventre. On a appelé les autorités, qui sont venues la récupérer. Ça a été un choc. On sait que beaucoup de gens meurent en mer, mais on n’est jamais préparé à voir une chose pareille. »

Sur la même plage ce jour-là, la mer a expulsé de ses entrailles au moins trois autres corps adultes, tous subsahariens. (...)

Lorsque nous le rencontrons à Remla, capitale des îles Kerkennah, l’homme semble soulagé d’être enfin entendu. Au printemps dernier, il dit avoir trouvé un bébé, âgé d’à peine 2 ans. « La dernière fois, j’ai vu quatre ou cinq morts d’un coup. Quand on appelle la garde nationale, ils nous demandent si ce sont des Blancs ou des Noirs. Si ce sont des Noirs, ils ne se déplacent pas. »

Des pêcheurs traumatisés (...)

Une question, qu’ils prononcent du bout des lèvres, les taraude : les poissons qu’ils pêchent et qu’ils donnent à manger à leur famille se sont-ils nourris de ces cadavres dont personne ne se préoccupe, parce que « migrants » ?

« On est passés de la compassion à l’indifférence, avec très peu de perspectives sur les solutions pouvant protéger les personnes menacées. »
Hassan Boubakri, spécialiste des migrations (...)

Pour l’heure, aucune demande de recherche n’a été enregistrée par le CICR concernant la fillette des Kerkennah, que ce soit en Tunisie ou en Italie. Plusieurs acteurs locaux redoutent que ses parents soient décédés lors du naufrage. (...)