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Le Monde
En Tunisie, l’économie informelle mise à mal par le coronavirus
Article mis en ligne le 29 mars 2020

L’informel représente jusqu’à 40 % de l’économie. Pour cause de confinement, beaucoup de journaliers sont privés de leur unique source de revenu.

Sur l’avenue Habib-Bourguiba, au centre de Tunis, le silence du confinement est à peine perturbé par les quelques taxis qui roulent encore. Et si le tramway traverse toujours l’avenue, il le fait sans l’habituel brouhaha des terrasses de café. Les curieux venant se prendre en photo devant le sigle « I love Tunis » ont disparu depuis longtemps. Aucun marchand ambulant sous les arcades qui mènent à la Medina, les vendeurs de journaux et cigarettes, aussi, ont déserté. « Je n’ai pas vu un chat depuis cinq jours », soupire Fayçal, 52 ans, fleuriste depuis trois décennies. (...)

Fayçal fait partie de ces journaliers qui travaillent encore « sinon je ne mange pas mon pain », résume-t-il. Son gain quotidien est normalement de 20 à 25 dinars (entre 5 et 6 euros). Il confie ne pas avoir vraiment de statut au regard de la loi, si ce n’est celui « d’apprenti ». Il n’est pas non plus couvert par la Sécurité sociale et ne possède pas de « carnet blanc », permettant la gratuité des soins pour les personnes démunies ou en situation de handicap. (...)

Le fleuriste ne sait pas non plus s’il est éligible aux aides annoncées par le chef du gouvernement, Elyes Fakhfakh, le 21 mars. Parmi ces mesures économiques et sociales, près de 500 millions de dinars (environ 158 millions d’euros) seront consacrés à aider les personnes mises en chômage technique, à faible revenu ou les plus démunis (environ 285 000 familles). Mais, pour les personnes comme Fayçal, dans un entre-deux, rien n’est clair. La Tunisie compte entre 400 000 et 500 000 microentreprises dans l’économie parallèle qui ne payent pas de cotisations sociales, sans compter le secteur de la contrebande.

L’explosion de l’informel après le « Printemps arabe » de 2011 a permis à de nombreux diplômés chômeurs de trouver une alternative au manque d’emploi. Mais, aujourd’hui, la peur du virus et les mesures restrictives de confinement ont obligé beaucoup à s’arrêter. Autant de nouveaux chômeurs qui pourraient se transformer en bombes à retardement sur le plan du mécontentement social en cas de prolongement de la crise. (...)

Sur le plan économique, la Tunisie se trouvait déjà dans une « situation compliquée » avant l’épidémie, a admis le nouveau ministre des finances, Nizar Yaïche, à la radio. La croissance et l’investissement peinent à reprendre depuis la révolution. (...)

Comme en témoignent les queues et bousculades devant certains bureaux de poste ces derniers jours, beaucoup de familles attendent les aides du gouvernement, et aussi davantage de précisions. (...)

Pour les économistes, l’évolution de la situation tunisienne reste une inconnue malgré les mesures annoncées. « Tout a été fait sur une prévision de trois mois, comme pour les reports de paiement pour les entreprises, par exemple. Mais qui nous dit que cela ne va pas durer plus longtemps ? Et, surtout, est-ce que les entreprises ont réellement les moyens de payer les salaires au-delà du mois de mars ou d’avril ? Pour le moment, les mesures prises ne sont que circonstancielles », souligne Skander Ounaies, professeur en économie. (...)