
Un matin, au lieu de la blouse bleu marine réglementaire, elles sont arrivées vêtues d’un T-shirt blanc. En défiant les consignes de leur lycée, qui n’imposent qu’aux filles de porter un uniforme, ces Tunisiennes réclamaient "la fin de la discrimination".
Au lycée "pilote" de Bizerte, établissement public d’élite du nord du pays, les élèves doivent signer, comme dans la majorité des lycées de Tunisie, un règlement intérieur stipulant que cette blouse arrivant au bas du dos est obligatoire pour les filles - et pour les filles seulement.
Un jour de septembre, les surveillantes ont prévenu des élèves de terminale qui ne se pliaient pas à la règle : si elles ne portaient pas la blouse, elles seraient renvoyées. Ironiquement, l’avertissement leur a été lancé pendant un cours de philosophie consacré à la question du corps.
Devant cette "injustice", des élèves ont dit leur colère sur les réseaux sociaux, raconte à l’AFP l’une d’elles, Siwar Tebourbi, 18 ans.
Les adolescentes tombent alors d’accord sur une action collective dès le lendemain "pour dire stop à la discrimination" : des dizaines d’entre elles arrivent habillées de blanc. Plusieurs garçons font de même par solidarité. (...)
Face à la mobilisation, la direction ne pipe mot. La campagne "Manich Labsetha" ("Je ne la porterai pas" en arabe, en référence à la blouse) est lancée.
’Hypocrisie’
Le bras de fer couvait depuis des années (...)
Cette mesure discriminatoire au lycée constitue "un message terrible" car elle sous-entend que le corps des jeunes filles "perturbe leurs camarades", dénonce Monia Ben Jémia, présidente de l’Association tunisienne des femmes démocrates (ATFD).
Une aberration d’autant plus flagrante, selon Mme Ben Jémia, que la Constitution de 2014 stipule l’égalité entre hommes et femmes.
Les lycéens qui ont lancé la campagne s’insurgent, eux, contre une "hypocrisie" généralisée. "On nous inculque l’égalité hommes-femmes à l’école mais, en pratique, ce n’est pas appliqué", déplore Adam Garci, 17 ans. (...)
L’affaire semble embarrasser les autorités. Sous couvert d’anonymat, un haut responsable de l’éducation peine à expliquer cet état de fait. Il reconnaît que le sujet est "sensible", même si la Tunisie est considérée comme pionnière en Afrique du Nord et au Moyen-Orient en matière de droit des femmes.
Car si le discours officiel répète à l’envi que l’égalité hommes-femmes est un acquis, de larges pans de la société restent conservateurs. (...)
"Nous ne le faisons pas pour nous", lâche Farah. "L’an prochain, nous serons parties. Mais c’est important pour les futures générations."